Le barrage hydroélectrique de Kakhovka, ouvrage clé du sud de l’Ukraine situé sur le fleuve Dniepr, a été détruit dans la nuit de lundi à mardi. L’Ukraine et la Russie se rejettent mutuellement la responsabilité de l’explosion.
L’attaque contre le barrage ukrainien de Kakhovka donne une « nouvelle dimension » à la guerre menée par la Russie, a déclaré le chancelier allemand, Olaf Scholz, quelques heures après la destruction d’un ouvrage clé du sud de l’Ukraine.
La présidence ukrainienne a accusé la Russie d’avoir « fait sauter » dans la nuit de lundi à mardi ce barrage hydroélectrique situé sur le fleuve Dniepr dans la région de Kherson pour inonder la zone et freiner l’offensive ukrainienne en préparation. De son côté, la Russie accuse Kiev. Les forces ukrainiennes ont effectué de « multiples frappes » sur le barrage a déclaré sur Telegram le maire de la ville de Nova Kakhovka, Vladimir Leontiev.
Cette destruction reste lourde de conséquences : plusieurs villages ont été inondés et des habitants ont été évacués. « L’Obs » fait le point sur la situation.
Que s’est-il passé ?
Le barrage de Kakhovka, situé dans les zones de la région de Kherson occupées par la Russie dans le sud de l’Ukraine, a été « partiellement » puis « complètement » détruit mardi, Moscou et Kiev s’accusant mutuellement d’en être responsables. Immédiatement après une explosion sur le barrage, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a convoqué d’urgence son Conseil de sécurité.
« Centrale hydroélectrique de Kakhovka. Encore un crime de guerre commis par les terroristes russes. Le président a convoqué le Conseil de sécurité national », a écrit Andriï Iermak, chef de l’administration présidentielle ukrainienne, sur Telegram.
« L’objectif des terroristes est évident : créer des obstacles pour les actions offensives des forces armées » ukrainiennes, a estimé Mykhaïlo Podoliak, conseiller à la présidence ukrainienne. Dans la foulée, l’Ukraine a qualifié la Russie d’« Etat terroriste » devant la Cour internationale de Justice (CIJ).
De son côté, la Russie accuse les forces ukrainiennes d’avoir effectué de « multiples frappes » sur ce barrage, a déclaré sur Telegram le maire de la ville de Nova Kakhovka, Vladimir Leontiev, en affirmant qu’elles avaient détruit les robinets-vannes du barrage et provoqué un « rejet d’eau incontrôlable ». « Le barrage n’est pas détruit et c’est un bonheur immense », a-t-il toutefois assuré. Quelques heures plus tard, le Kremlin a dénoncé un acte de « sabotage délibéré » de Kiev.
Pourquoi ce barrage a-t-il été visé ?
Pris dès le début de l’invasion, car cible prioritaire des Russes, ce barrage hydroélectrique situé sur le fleuve Dniepr est aujourd’hui sur la ligne de front entre les régions contrôlées par Moscou et le reste de l’Ukraine, au moment où Kiev teste intensément les défenses russes en vue d’une offensive d’envergure. Situé à 150 km de la centrale nucléaire de Zaporijjia, le barrage de Kakhovka, un ouvrage en partie en béton et en terre, mesure 3 273 mètres de long.
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Il s’agit de l’une des plus grandes infrastructures de ce type en Ukraine. Construit dans les années 1950, pendant la période soviétique, le barrage de Kakhovka permet également d’envoyer de l’eau dans le canal de Crimée du Nord, qui part du sud de l’Ukraine et traverse toute la péninsule de Crimée, occupée et annexée par Moscou depuis 2014. La destruction de ce barrage devrait ainsi entraîner d’importantes difficultés pour l’approvisionnement en eau de la Crimée, que Kiev assure vouloir reconquérir.
Quelles conséquences après cette destruction ?
Plusieurs villages, au moins 24, ont été « complètement ou en partie » inondés après la destruction partielle du barrage et des habitants ont commencé à être évacués. « Environ 16 000 personnes se trouvent en zone critique », a déclaré sur les réseaux sociaux Oleksandre Prokoudine, chef de l’administration militaire de la région de Kherson. La ville de Nova Kakhovka, où se trouve le barrage, est également inondée, ont affirmé les autorités locales installées par Moscou dont les troupes contrôlent la localité.
Par ailleurs, « 150 tonnes d’huile moteur » se sont déversées dans le fleuve Dniepr, ont indiqué les responsables ukrainiens, mettant en garde contre un risque environnemental. Sur Telegram, Andriï Iermak, a lui dénoncé « un écocide » de la part de la Russie.
Quels sont les risques ?
Le danger de « catastrophe nucléaire » à la centrale de Zaporijjia « augmente rapidement », a d’abord averti un conseiller à la présidence ukrainienne. « Le monde se retrouve une fois de plus au bord d’une catastrophe nucléaire, car la centrale nucléaire de Zaporijjia a perdu sa source de refroidissement. Et ce danger augmente désormais rapidement », a déploré Mykhaïlo Podoliak dans un message adressé à des journalistes.
L’Agence internationale de l’Energie atomique (AIEA) a finalement estimé mardi qu’il n’y avait « pas de danger nucléaire immédiat ». « Les experts de l’AIEA » présents sur le site « surveillent de près la situation », a ajouté l’instance onusienne dans un tweet, alors que la centrale utilise l’eau du fleuve pour refroidir le combustible des cœurs des réacteurs.
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Le directeur de la centrale, Iouri Tchernitchouk, installé par l’occupation russe, a lui assuré sur Telegram qu’« à l’heure actuelle il n’y a pas de menace » pour la sécurité de l’installation. Pour l’heure, la destruction du barrage fait surtout craindre des conséquences importantes sur la faune et la flore de cette partie sud de l’Ukraine.
Quelles réactions dans le monde ?
Le président du Conseil européen Charles Michel a affirmé que la Russie devrait rendre des comptes. « La destruction d’une infrastructure civile est clairement un crime de guerre et nous demanderons des comptes à la Russie et à ses affiliés », a-t-il ajouté. « Mes pensées vont à toutes les familles en Ukraine touchées par cette catastrophe », a-t-il ajouté, précisant qu’il proposerait une aide pour les zones inondées lors du prochain sommet des dirigeants des 27 prévu fin juin à Bruxelles.
Le secrétaire général de l’Otan Jens Stoltenberg s’est dit scandalisé par cette attaque qui « démontre une fois de plus la brutalité de la guerre menée par la Russie ». La destruction du barrage de Kakhovka est « un acte scandaleux » qui « met en danger des milliers de civils et cause de graves dommages à l’environnement », a-t-il écrit sur Twitter.
Le Royaume-Uni a évoqué un « acte odieux » relevant du crime de guerre. « L’attaque intentionnelle d’infrastructures exclusivement civiles est un crime de guerre. Le Royaume-Uni est prêt à soutenir l’Ukraine et les populations touchées par cette catastrophe. » Le chancelier allemand Olaf Scholz a, lui, estimé que l’attaque contre le barrage de Kakhovka donnait à la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine une « nouvelle dimension ».