Alors que la première ministre, Elisabeth Borne, a vanté mardi soir un abaissement du seuil d’âge qui «concerne tous les jeunes», la réforme pose plusieurs enjeux, notamment en termes de sécurité routière.
Ce sera une des petites nouveautés de l’année prochaine. Mardi soir, la première ministre Élisabeth Borne a annoncé, dans un entretien au média Brut, qu’«à partir de janvier 2024, on pourra passer le permis de conduire à partir de 17 ans et conduire à partir de 17 ans.» Si l’abaissement de l’âge «concerne tous les jeunes, ça n’intéresse pas forcément un jeune qui habite dans une ville très bien desservie par les transports en commun.»
«De permettre de passer plus tôt le permis de conduire, je pense que c’est vrai plus pour ces jeunes» qui connaissent une «vraie galère», a indiqué la chef du gouvernement. Alors que la majorité avait déjà fait adopter une loi pour mieux informer les jeunes sur le financement du permis de conduire et pour réduire les délais avant l’examen, cette réforme divise le secteur des auto écoles.
Pour le réseau école de conduite français (ECF), passer le permis à 17 ans «favorise la mobilité des jeunes». «Dans un pays comme le nôtre, avec les enjeux que pose la ruralité, il faut être mobile», précise Patrick Mirouse, président des ECF. Et de noter une contradiction dans le système actuel : «Ceux qui font la conduite accompagnée peuvent passer le permis à 17 ans mais ne peuvent pas conduire avant 18 ans, donc il y a une perte d’expérience.»
D’autant que bon nombre de jeunes ont besoin de ce précieux titre avant leur majorité pour aller travailler dans une entreprise au sein de laquelle ils sont en alternance. «Ces annonces de la première ministre appuient la réforme des lycées professionnels. L’aide au financement du permis de 500€ permettra de lever un frein majeur à l’insertion dans l’emploi des lycéens professionnels», s’est d’ailleurs engouée Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l’Enseignement et de la Formation professionnels.
Mais les arguments en faveur de la baisse du seuil d’âge ne convainquent pas tout l’écosystème. «Comment envisager de telles mesures, si lourdes de conséquences en termes de vie humaine, alors qu’aucune étude d’impact, aucune prise en compte des statistiques sur la mortalité et la morbidité routière, aucune concertation avec les professionnels de l’enseignement de la conduite, ni avec les instances en charge de la sécurité routière, publiques ou privées n’ont été conduites ?», grondait début avril Bruno Garancher, président de l’Unidec, syndicat professionnel de l’enseignement de la conduite, lorsque l’idée avait été évoquée.
Et de rappeler véhément les éventuelles conséquences d’un tel dispositif en termes d’accidents : «Faut-il rappeler qu’en 2022, les 18-24 ans ont encore été les plus touchés par la mortalité routière, avec 101 tués par million d’habitants de cette tranche d’âge?»
L’opposition de la sécurité routière
Au front contre ces drames, Jean-Yves Lamant, président de la Ligue contre la violence routière, a déploré une mesure qui est «à l’inverse de ce qu’il faut faire pour baisser de moitié le nombre de morts sur la route en 2030». En réponse, Élisabeth Borne a promis mardi soir d’être «très attentive sur le niveau demandé» pour obtenir le permis. L’exécutif est d’ailleurs «en train de renforcer les attestations de sécurité routière pour en faire des sortes de précodes». À cet égard, la première ministre a également fait valoir qu’il n’y avait «pas eu plus d’accidents» dans les pays voisins qui ont un permis de conduire à 17 ans.
Toutefois, la sécurité routière n’est pas le seul aspect que mettent en avant les détracteurs de la réforme. «Ce qui est proposé ne résout pas les problématiques de délais et de coût du permis de conduire. Cette mesure ne fait en rien avancer les choses. On aurait préféré que le gouvernement valorise mieux la conduite accompagnée et qu’il permette à la population passant par cette voie d’apprentissage un passage plus précoce vers 17 ans», a déploré Damien Mascaras, secrétaire général adjoint du syndicat national Force Ouvrière des inspecteurs, cadres et administratifs du permis de conduire et de la sécurité routière.
Alors que 700.000 jeunes de 18 à 24 ans passent leur permis chaque année, le syndicaliste explique que «ce nouvel afflux va mécaniquement augmenter le temps d’attente pour obtenir son sésame. D’autant plus durant les premières années de la mise en place de la mesure, du fait d’un effet d’aubaine.»
Jusqu’à présent, un jeune en conduite accompagnée peut déjà passer le permis B à 17 ans, mais il n’a le droit de prendre le volant tout seul que le jour de ses 18 ans. Pour remédier à ce problème, le réseau ECF propose ainsi «d’accompagner le dispositif, avec la mise en place d’un rendez-vous de perfectionnement dans les deux à quatre mois après l’obtention de permis.»
Par ailleurs, Patrick Mirouse se montre favorable «à passer l’âge de la conduite accompagnée à 14 ans parce que c’est le point de départ de tout» : «On donnerait à 14 ans la possibilité le droit de conduire une petite voiturette. Ce serait attrayant et cela permettrait aux jeunes qui ont envie de liberté de conduire la petite toute seule et la grande avec les parents.» Si la proposition n’est pas pour l’heure dans l’optique du gouvernement, elle pourrait bien susciter moult débats dans les prochains mois.