La prolifération du moustique tigre en France devrait être à l’origine d’une multiplication des infections de dengue, Zika et chikungunya. Elle pourrait aussi être responsable de la transmission de deux nouveaux virus.
La saison du moustique tigre est bien entamée. La présence de cet insecte porteur de maladies graves s’étend inexorablement en France ces dernières années, avec 71 départements colonisés l’été dernier, soit dix fois plus qu’en 2010. Placée sous surveillance renforcée dans l’hexagone, la présence de l’Aedes albopictus (son nom scientifique) est ainsi scrutée par les autorités sanitaires depuis le 1er mai et jusqu’au 30 novembre. Car le moustique Tigre pourrait s’avérer plus dangereux cette année que les précédentes, selon une nouvelle étude de l’Institut Pasteur.
Il faut aussi s’attendre dans les années à venir, à une hausse des cas de dengue, Zika et chikungunya, avait déjà averti le Comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires (Covars), l’ex-conseil scientifique fin avril. Des maladies virales qui « pourraient devenir des problèmes de santé publique ». En métropole, il n’a pas été observé de forme grave de la maladie, à ce jour, contrairement aux territoires ultramarins où les populations sont exposées de façon récurrente.
Voyage et réchauffement climatique
Qui dit plus de moustiques tigre, dit plus de chances d’infections. Selon les scientifiques, son extension est inéluctable, principalement en raison de l’augmentation des voyages et du changement climatique. « C’est un insecte urbain, qui se déplace dans les voitures et pond ses œufs dans les collections d’eau.
Il aime le sang humain, ce qui en ville, ne manque pas », explique l’entomologiste Didier Fontenille. L’organisation prochaine de grands évènements sportifs internationaux en métropole comme les Jeux olympiques 2024, qui engendrent d’importantes migrations de populations venant du monde entier, pourraient renforcer ces risques.
La hausse des températures a quant à elle des effets indirects sur son accroissement : plus il fait chaud, plus le cycle de développement du moustique se raccourcit. La vitesse de multiplication du virus à l’intérieur de l’insecte est aussi augmentée. Depuis quelques années, la métropole enregistre déjà un nombre croissant de cas autochtones (c’est-à-dire ne provenant pas d’une contamination hors du territoire) et de foyers de ces virus. En 2022, il avait été à l’origine de 65 « cas autochtones » de dengue (c’est-à-dire ne provenant pas d’une contamination hors du territoire), concentrés dans le sud de la France. Pour l’heure, aucun cas autochtone n’a été détecté depuis le début de la saison 2023.
De nouvelles maladies transportées par le moustique ?
Selon une étude des chercheurs de l’Institut Pasteur, de l’Université de Reims Champagne-Ardenne et de l’Institut de Parasitologie et de Pathologie Tropicale de Strasbourg publiée le 6 juin, le moustique pourrait cette année être porteur de nouvelles menaces : deux virus, nommés le West Nile et Usutu. Le virus West Nile avait été détecté en Camargue dès les années 1960, tandis que le virus Usutu a été signalé en 2015 dans l’est de la France. Mais cette étude réalisée dans le cadre d’une surveillance dans le Grand-Est démontre que le moustique tigre, présent sur presque 3/4 du territoire, est désormais capable de le transporter et de le transmettre à l’humain.
Le premier, aussi appelé virus du Nil Occidental, a été détecté pour la première fois en Ouganda en 1937 et est depuis responsable d’épidémies en Afrique, au Moyen-Orient, en Asie occidentale et en Europe. Il peut être dans de rares cas à l’origine d’atteintes neurologiques (méningites, encéphalites et méningo-encéphalites) qui font sa gravité. Le virus Usutu, également détecté en Afrique, peut lui aussi causer des troubles neurologiques chez les personnes immunodéprimées.
Si la France a un système de surveillance, de détection, de gestion de ces maladies considéré comme « performant », il reste « perfectible », en particulier en métropole, a estimé le Covars dans son rapport. Manque notamment une « coordination nationale » permettant d’être informé de la situation des autres régions. « On n’est pas dans un scénario catastrophe, mais on doit prendre le risque au sérieux par des campagnes de prévention ou une meilleure organisation des acteurs », a conclu la présidente du Covars, Brigitte Autran.