Lutte contre la déforestation illégale, préservation de la biodiversité, création d’un agenda commun… Huit pays riverains de l’Amazonie se retrouvent à Belém dans le nord du Brésil pour trouver des solutions concrètes contre le réchauffement climatique et la surexploitation qui menacent ce « poumon vert » de la planète.
Après le saccage des années Jair Bolsonaro, l’Amazonie reprend des couleurs. Priorité affichée du président Luiz Inacio Lula da Silva depuis son retour au pouvoir, la forêt amazonienne est au cœur d’un sommet majeur à partir du mardi 8 août dans la ville de Belém au Brésil, pays qui abrite 60 % de la plus grande forêt tropicale de la planète.
Signe de la nouvelle dynamique à l’œuvre, le sommet réunira pour la première fois depuis 2009 des représentants des huit pays membres de l’Organisation du traité de coopération amazonienne (OTCA, réunissant Bolivie, Colombie, Guyana, Pérou, Venezuela, Équateur et Suriname), créée il y a près de 30 ans pour protéger la forêt tropicale.
« Il y a eu par le passé des actions ponctuelles de coopération mais c’est une organisation qui n’a pas fait grand-chose jusqu’à présent. Désormais, il s’agit de faire émerger une nouvelle coalition pour peser dans les négociations internationales car l’Amazonie est extrêmement importante d’un point de vue environnemental et géopolitique », analyse Catherine Aubertin, directrice de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD).
Le sommet de Belém a notamment pour objectif de mettre au point une position commune pour la COP28, la prochaine conférence des Nations unies, fin novembre aux Émirats arabes unis, où la question du financement climatique devrait encore alimenter les débats entre les pays du Nord et du Sud. Cette réunion fait également office de répétition générale pour la cité portuaire d’1,3 million d’habitants, qui accueillera en 2025 la COP30.
« Le monde doit nous aider à préserver l’Amazonie, à la développer […]. Nous sommes conscients de notre responsabilité de devoir convaincre le monde qu’investir dans la forêt préservée est un investissement rentable », a déclaré le président brésilien à l’AFP lors d’une rencontre organisée au début du mois avec des médias étrangers à Brasilia.
Double menace
Pour les dirigeants de l’OTCA, l’un des principaux défis sera de trouver un plan d’action commun pour éradiquer la déforestation illégale, la première menace pesant sur l’Amazonie. « Au Brésil, la déforestation est à plus de 90 % illégale », rappelle Catherine Aubertin, qui souligne le rôle prépondérant joué ces dernières années par « des mafias qui cherchent à diversifier leur portefeuille avec le trafic de terres ».
Si les zones déboisées sont ensuite souvent transformées en pâturage pour le bétail ou en terres agricoles, la destruction est également causée par des orpailleurs et des trafiquants de bois. Résultat : les émissions de dioxyde de carbone de ce vaste territoire abritant un dixième de la biodiversité mondiale ont augmenté de 117 % en 2020 par rapport à la moyenne 2010-2018, selon les données de l’Institut national de recherche spatiale (INPE) du Brésil.
Considérée comme l’une des principales réserves de carbone de la planète, l’Amazonie joue de moins en moins son rôle de « poumon vert ». Selon une étude parue en 2021 dans la revue Nature, une grande partie du bassin de l’Amazonie émet désormais plus de CO2 qu’il n’en absorbe.
Au-delà de la déforestation, le réchauffement climatique fragilise la capacité de la forêt à se régénérer. « La forêt amazonienne est une forêt ancienne et fatiguée. Elle supporte mal les excès de chaleur qui augmentent le phénomène d’évaporation et assèchent les sols », détaille Catherine Aubertin.
Pour prendre le pouls de l’Amazonie, le sommet de Belém pourrait mettre sur les rails un observatoire scientifique destiné à partager les recherches et les données récoltées sur l’état de santé de la forêt tropicale. La « Déclaration de Belém » sera « ambitieuse » et établira « un agenda qui guidera les pays pour les années à venir », a assuré l’ambassadrice Gisela Padovan, chargée de l’Amérique latine et des Caraïbes au ministère brésilien des Affaires étrangères.
« Déforestation zéro »
Si le sommet voulu par le Brésil intervient dans un moment critique pour ce territoire grand comme douze fois la France, des signes encourageants se dessinent depuis le retour aux affaires de Lula, qui multiplie les initiatives pour rebâtir une politique environnementale totalement abandonnée par son prédécesseur.
Le président brésilien a notamment rétabli après son élection le plan de protection de l’Amazonie ou encore redonné des moyens à la police de l’environnement. Début juin, un nouveau plan de lutte contre la déforestation en Amazonie comportant une centaine d’objectifs a également été dévoilé ; il prévoit la saisie de la moitié des zones exploitées illégalement à l’intérieur des espaces protégés ou encore des milliers d’embauches de spécialistes pour renforcer la surveillance des zones menacées.
Par ailleurs, la Norvège et l’Allemagne, qui avaient suspendu leur participation au Fonds pour l’Amazonie sous Jair Bolsonaro, ont repris leurs financements. D’autres pays, dont la France et les États-Unis, ont annoncé leur intention d’y contribuer. Le gouvernement Lula s’est même fixé un objectif ambitieux de « déforestation zéro » d’ici à 2030, et souhaite qu’un tel engagement soit pris par ses partenaires de la région. « Nous ne voulons pas imposer nos vues, il faut parvenir à un consensus progressif », a toutefois expliqué lundi Marina Silva, la ministre brésilienne de l’Environnement.
Et cette politique volontariste semble porter ses fruits : la déforestation en Amazonie brésilienne a été près de trois fois moins élevée le mois dernier qu’en juillet 2022, selon les données officielles rendues publiques la semaine dernière.
Les chiffres sont en revanche bien plus préoccupants pour ce qui est du Cerrado, la savane tropicale située au sud de l’Amazonie et cœur du secteur de l’élevage du géant sud-américain, premier producteur et exportateur mondial de viande et de soja. Avec 612 km2 déboisés le mois dernier, la hausse est de 26 % par rapport à juillet 2022.
Par ailleurs, le Brésil, l’un des plus importants producteurs d’hydrocarbures d’Amérique latine avec le Venezuela, n’a pas l’intention d’accélérer sa transition énergétique, comme le réclame la Colombie. Une question cruciale pour l’avenir de l’Amazonie mais qui ne sera pas abordée lors du sommet de Belém, au grand dam des défenseurs de l’environnement.