En finir avec la « tyrannie du film comique » : dans « La petite », Fabrice Luchini est entraîné dans les méandres de la gestation pour autrui (GPA), interdite en France, à travers le destin d’un homme prêt à tout pour récupérer sa petite-fille.
Dernier long-métrage du réalisateur de « Valley of Love » (2015) et « L’Enlèvement de Michel Houellebecq » (2014), Guillaume Nicloux, ce film a fait l’ouverture mardi du Festival du film francophone d’Angoulême.
« Je sais qu’on est à l’ère où on ne veut que rire, rire, rire, mais là, ce n’est pas le cas. Ce n’est pas une comédie ! », tonne l’acteur de 71 ans. « C’est un film qui pose des questions, qui va vous tirer les larmes, peut-être vous faire un peu rire, mais c’est surtout un film qui n’est pas dans la tyrannie du film comique », poursuit-il avec l’emphase qui le caractérise.
Habitué à jongler avec les genres (comédie, policier, thriller), Guillaume Nicloux livrait en février le film d’épouvante « La Tour », qui réunissait le rappeur Hatik et Angèle Mac dans une tour d’immeuble coupée du monde.
Exit l’épouvante, place au mélodrame sur un thème qu’il explore depuis ses débuts dans les années 1990 avec « Les enfants volants » : la filiation. Au centre du film, Joseph (Fabrice Luchini), un sexagénaire un peu bourru qui apprend la mort de son fils et du compagnon de celui-ci dans un accident. Un drame qui intervient alors que le couple attend un enfant via une mère porteuse en Belgique.
Car si la gestation pour autrui est interdite en France, elle n’est ni légale ni explicitement interdite dans le royaume. Un flou juridique qui rend les GPA possibles.
« Aucune opinion »
S’ouvre alors une quête existentielle pour Joseph : coûte que coûte, retrouver Rita (Mara Taquin), la femme qui porte l’enfant de son fils. Mais la tâche est plus ardue qu’il ne l’avait anticipé. Qui détient les droits parentaux sur cet enfant à naître ? Est-il aux yeux de la loi son grand-père ? Et la mère porteuse ? « Je ne suis qu’une mule », clame à plusieurs reprises la jeune femme, qui n’entend pas garder l’enfant.
« Ce n’est pas seulement un film sur la GPA », prévient d’emblée l’acteur. D’ailleurs, « je ne savais pas bien ce qu’était la gestation pour autrui avant de faire le film », poursuit-il, mi-sérieux mi-blagueur. « C’est un film sur la filiation, la vie », assure-t-il. A travers cette quête pour retrouver Rita, Joseph entend aussi se réconcilier avec son fils décédé, dont il n’a jamais été proche.
En mettant en scène une femme qui voit dans la GPA une façon de gagner de l’argent et un homme mu par le souhait viscéral d’honorer le désir d’enfant de son fils décédé, le film ne prend pas parti dans ce débat. Les opposants à cette pratique dénoncent l’exploitation du corps des femmes ainsi que la chosification du bébé à naître, tandis que ses défenseurs estiment qu’il faut respecter le choix fait par certaines femmes de porter un enfant pour autrui. Le sujet divise jusque dans les rangs des féministes.
Le président Emmanuel Macron s’est prononcé contre la GPA, « une ligne rouge infranchissable », avait souligné le ministre français de la Justice Eric Dupond Moretti pendant les débats sur l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) à toutes les femmes en 2021. « J’ai aucune opinion, ni conviction » sur le sujet, rétorque l’acteur lorsque on lui demande son avis. « Je connais des gens qui ont eu recours à la GPA, j’en connais d’autres qui y sont opposés. Moi, je ne sais pas », poursuit-il.
Au terme de cette première collaboration avec Guillaume Nicloux, Fabrice Luchini, qui a été dirigé par Eric Rohmer, Claude Chabrol ou encore Anne Fontaine, a-t-il un avis sur le réalisateur ? « Depuis le temps, j’ai appris à m’adapter à toutes les psychés », plaisante-t-il. Et d’affirmer qu’avec « Guillaume, ça a été fluide ».