Depuis ce mardi 12 septembre, l’île de Lampedusa fait face à une vague d’arrivée de plusieurs milliers de migrants. Ce petit coin de terre en pleine mer Méditerranée illustre la complexe question migratoire au sein de l’Union européenne.
C’est un nom bien souvent réduit à la thématique migratoire. Lampedusa, île situé à moins de 150 kilomètres de côtes tunisiennes, vivant du tourisme et de la pêche, est sujette à un afflux massif de migrants de par sa situation de porte d’entrée de l’Europe. Une situation intenable pour un territoire d’environ 20,2 km2 où résident à peine 6.000 habitants.
Depuis le début de l’année, 124.000 exilés sont arrivés sur les côtes italiennes, soit deux fois plus qu’en 2022. Entre ce mardi 12 septembre et ce vendredi 15 septembre, ce sont près de 10.000 migrants qui ont soudainement débarqué au port, dans plus de 120 bateaux.
Si ce nombre paraît gargantuesque aujourd’hui, Lampedusa a déjà connu des situations similaires par le passé. En effet, cela fait une trentaine d’années que l’île fait office de miroir des crises migratoires successives.
Une première crise en 1992
Selon le géopolitologue Alfio Sciaresa, la période entre la fin des années 1980 et le début des années 1990 a été propice à un changement de politique migratoire en Italie. «L’augmentation de la population des étrangers extra-communautaires a été de 180%».
À cette époque, les Pouilles, le canal d’Otrante et la ville de Valona en Albanie sont les territoires les plus prisés par les migrants. Une coopération entre l’Italie et d’autres pays européens est donc devenue primordiale pour faire face à un afflux toujours plus massif. Face à ce changement de cap très strict, les populations ont tout simplement changé de route pour s’orienter vers Lampedusa.
En octobre 1992, une centaine de migrants ont alors posé pied sur l’île pour tenter leur chance. Aujourd’hui, ce nombre d’arrivées peut être multiplié par 100. Selon Bruno Siragusa, ancien maire de Lampedusa, la Libye a également joué un rôle dans cet afflux. «En vertu de sa politique panafricaine, Kadhafi a décidé l’ouverture des frontières du pays, ce qui a entraîné la concentration sur les côtes libyennes d’émigrés venus de toute l’Afrique pour tenter le passage vers l’Europe», décryptait-il dans Le Temps.
Lampedusa est aujourd’hui ce qu’on appelle un «hotspot», c’est-à-dire un lieu stratégique utilisé par les gouvernements européens pour mieux identifier, enregistrer et traiter les arrivants. Le premier a été construit il y a 10 ans, en Grèce et Lampedusa a été naturellement choisi pour être l’un des premiers points d’enregistrement en Europe.
De nombreuses tragédies année après année
Petit à petit, le nombre de vagues a explosé. 8.000 personnes en 2003, 31.700 en 2007 et ils devraient être aux alentours de 150.000 cette année. Ces chiffres toujours plus hauts sont également dus à la conjoncture sociale, politique et environnementale des pays voisins à Lampedusa.
Ainsi, en février 2011, près de 12.000 Tunisiens sont arrivés illégalement sur l’île durant la révolution débutée en janvier 2011. La même année, l’instabilité politique de la Libye, après la mort de Mouammar Kadhafi, a provoqué un nouvel afflux massif de migrants.
La traversée étant réalisée dans des conditions très dangereuses, au gré de passeurs véreux, les tragédies en mer sont également très nombreuses. Le 3 octobre 2013, un naufrage a causé la mort de 386 personnes. En 2015, c’est entre 500 et 700 personnes qui périssaient.
Plus de migrants que d’habitants
D’autant que si ce territoire méridional est idéal pour être un point de débarquement, il ne peut contenir un afflux aussi massif. En effet, le centre d’accueil ne peut contenir que 400 individus au même moment. Une situation dramatique qui a poussé le maire de Lampedusa à décréter l’état d’urgence sur l’île.
«La situation à Lampedusa est la suivante : environ 6.000 personnes sont arrivées sur l’île, dont plus de 120 au cours des dernières 24 heures. La situation est compliquée et la Croix-Rouge italienne s’efforce de continuer à garantir, au prix d’efforts considérables, les services de base aux personnes qu’elle assiste», déclarait Francesca Basile, représentante de la Croix-Rouge italienne.
Avec un peu plus de 6.000 habitants, il peut donc y avoir autant si ce n’est plus de migrants que de locaux sur ce petit bout de terre.