Six associations et ONG soutiennent que cette pratique est « généralisée, inscrite profondément dans l’action policière au point que la discrimination qu’elle constitue est systémique ».
Le Conseil d’État doit se pencher vendredi sur le sujet hypersensible des contrôles au « faciès », une pratique devenue « systémique » dans la police selon plusieurs ONG, qui ont introduit devant la plus haute juridiction administrative la première action de groupe contre ces contrôles « discriminatoires ».
Dans leur requête, les six associations et ONG dont Amnesty International, Human Rights Watch ou encore Open Society Justice Initiative, soutiennent que cette pratique est « généralisée, inscrite profondément dans l’action policière au point que la discrimination qu’elle constitue est systémique », selon un document synthétisant la « première action de groupe en France contre les contrôles d’identité discriminatoires ».
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« Refus implicite »
Les requérants « n’accusent pas les policiers pris individuellement d’être racistes », mais demandent au Conseil d’État – qui se penchera sur le sujet lors d’une audience vendredi après-midi – « de constater le grave manquement de l’État consistant à laisser perdurer la pratique » et « d’enjoindre aux autorités de prendre les mesures nécessaires pour y remédier », ont-ils écrit dans un communiqué commun. Cette pratique est « illégale au regard du droit français […] et international », ont-ils poursuivi.
Le président de la République, Emmanuel Macron, avait reconnu le 4 décembre 2020 l’existence des contrôles au faciès, après le tabassage du producteur de musique noir Michel Zecler, provoquant l’ire des syndicats policiers. Dans la foulée, en janvier 2021, les organisations requérantes avaient adressé une mise en demeure au gouvernement pour que des « réformes structurelles » soient adoptées. Mais face à l’absence de réponse, interprétée comme un « refus implicite », elles se sont finalement tournées vers le Conseil d’État.
Vingt fois plus de contrôles
Les associations et ONG réclament une série de mesures, inspirées selon elles d’expériences menées à l’étranger : modifier le code de procédure pénale pour interdire la discrimination dans les contrôles d’identité, exclure les contrôles administratifs, créer un système d’enregistrement et d’évaluation des données relatives aux contrôles d’identité, fournir une preuve de contrôle, sur le modèle du récépissé…
Plusieurs fois, ces dernières années, la France a été condamnée sur ce sujet : en juin 2021 par la cour d’appel de Paris ou encore en 2016 par la Cour de cassation, qui avait pour la première fois condamné définitivement l’État pour des contrôles dits « au faciès ». Dans un rapport daté de 2017, le Défenseur des droits avait conclu qu’un jeune homme « perçu comme noir ou arabe » avait vingt fois plus de chances d’être contrôlé que le reste de la population.