Un enseignant est mort vendredi dans une attaque perpétrée au lycée Gambetta d’Arras qui a fait également trois blessés. Le procureur de la République antiterroriste a détaillé la chronologie des événements au cours d’une conférence de presse mardi. Mohammed M. auteur présumé des faits, son frère cadet et leur cousin, vont être présentés à un juge.
Une attaque qu’il avait préparée et qu’il a revendiquée. Cinq jours après que Dominique Bernard, professeur de lettres, a été assassiné au lycée Gambetta d’Arras et que trois personnes y ont été blessées, le procureur de la République Jean-François Ricard a détaillé comment Mohammed M., auteur présumé des faits âgé de 20 ans, avait procédé.
Ainsi, le « travail très dense » des services d’enquête, l’audition de « plus de cent témoins », l’exploitation des vidéos tournées par des mobiles ou des caméras de vidéosurveillance notamment ont permis d’établir une chronologie précise des faits.
De l’achat d’un téléphone tôt à son interpellation vers midi, le magistrat est revenu sur le déroulé des faits commis par cet ancien élève de l’établissement, fiché S et radicalisé.
Ce vendredi 13 octobre, à 8h53, Mohammed M. a fait l’achat d’un téléphone dans une grande surface. Moins d’un quart d’heure plus tard, à 9h07, il a pris un bus dans lequel il a manipulé le téléphone qu’il venait d’acheter. « À 10h37, il a traversé le parvis devant la gare et s’est filmé face au monument aux morts avant d’arriver boulevard Carnot en direction du lycée où il a été filmé par une première caméra à 10h44 », a détaillé Jean-François Ricard.
11 heures, l’attaque
À 11 heures, alors que quatre professeurs sortaient du lycée. Mohammed M. muni de deux couteaux, a poignardé violemment Dominique Bernard, professeur de lettres, au niveau du cou et de l’épaule. La victime n’a pas survécu. Juste après, Mohammed M. a frappé au visage un autre professeur qui tentait de s’interposer. Grâce à l’intervention d’un assistant d’éducation, ce professeur est parvenu à se relever et à rentrer dans l’établissement suivi par l’assaillant.
Dans la cour du lycée, l’ancien élève a tenté d’agresser à nouveau ce même professeur. « Un agent d’entretien muni d’une chaise est intervenu avant de tomber. L’agresseur a tenté de le poignarder à plusieurs reprises », a précisé le procureur. Pour défendre son collègue, un agent technique s’est alors précipité en direction de Mohammed M. qui l’a immédiatement frappé à plusieurs reprises à l’aide de l’un des deux couteaux.
D’autres personnes, dont le directeur de l’établissement, sont intervenues à leur tour. Mohammed M. s’est tourné vers eux sans parvenir à les frapper. Il a ensuite tenté de quitter l’établissement, sans y parvenir, et a rebroussé chemin en direction de la cour. C’est là qu’il a été interpellé par la police.
« Un témoignage a permis d’établir qu’au cours de ses déplacements dans l’établissement, Mohammed M. s’est dirigé jusqu’au bureau du proviseur avant de repartir, ne l’ayant pas trouvé sur place », a fait savoir le magistrat.
Déclaration d’allégeance, « haine des Français »…
Par ailleurs, selon les premiers éléments de l’enquête, Mohammed M. « ne semble pas avoir parlé » pendant la scène devant l’établissement. C’est dans la cour qu’il aurait prononcé des propos sans équivoque au professeur qu’il poursuivait. Il aurait ainsi lancé à ce dernier, selon le procureur : « Qui te donne l’air que tu respires, qui est le seul Dieu. »
Plusieurs témoins l’ont également entendu demander aux personnes présentes si elles étaient le proviseur ou un professeur d’histoire. Il aurait également interpellé une personne qui tentait d’appeler les secours lui lançant cette phrase : « Appelle Marianne, appelle ta République ». « De tels propos peuvent faire écho aux incidents qui ont émaillé la scolarité de son frère aîné dans ce même établissement et qui témoignaient de la radicalisation de celui-ci », a expliqué Jean-François Ricard.
Outre ces mots prononcés dans le lycée, l’homme de 20 ans a été très clair dans un audio et une vidéo enregistrés avant la commission des faits. Ainsi, dans la courte vidéo de 30 secondes tournée devant le monument aux morts 20 minutes avant le passage à l’acte, Mohammed M. « s’est attaqué de façon répétée aux ‘valeurs des Français’ selon ses termes » et a tenu « des propos particulièrement menaçants ».
« Toutes ses paroles font directement écho à la longue déclaration d’allégeance à l’État islamique découverte dans le téléphone de l’agresseur. Dans cet enregistrement audio, Mohammed M. après avoir prêté serment à l’émir de l’État islamique, développait sa haine de la France, des Français, de la démocratie et de l’enseignement dont il avait bénéficié dans notre pays », a expliqué le magistrat.
Par ailleurs, dans cette « longue intervention en arabe, émaillée de références religieuses », Mohammed M. a fait état de son soutien aux musulmans en Irak, en Asie, en Palestine « mais sans relier son acte directement » à la guerre qui oppose le Hamas à l’Israël. L’auteur présumé de l’attaque y soutient également « pleinement l’État islamique », exprimant « son mépris pour les autres organisations terroristes djihadistes, notamment Al-Qaïda ».
Deux frères et leur cousin présentés à un juge antiterroriste
Le bilan de cette attaque s’établit à un mort et trois blessés. Il n’y a aujourd’hui plus de pronostic vital engagé.
En plus de Mohammed M., douze personnes ont été interpellées depuis vendredi. « Ce jour, le parquet requiert l’ouverture d’une information judiciaire des chefs d’association de malfaiteurs terroristes en vue de préparer des crimes d’atteinte aux personnes, d’assassinat en relation avec une entreprise terroriste, de tentatives d’assassinat en relation avec une entreprise terroriste, de complicité de ces crimes et d’abstention volontaire d’empêcher la commission d’un crime », a annoncé Jean-François Ricard.
L’auteur présumé des faits, son frère cadet âgé de 16 ans, qui a « pu lui apporter un certain soutien dans ce projet mortifère » et « délivré des consignes sur le maniement des couteaux » et l’un de leurs cousins « ayant été informé d’un possible projet d’action criminel » et n’ayant pas alerté les autorités, vont être présentés ce mardi à un juge antiterroriste.