« Le revers de la médaille »: c’est le message qu’a projeté dans la nuit de dimanche à lundi un collectif de militants sur le bâtiment du comité d’organisation des Jeux olympiques (Cojo), pour dénoncer le « nettoyage social » en Ile-de-France en amont des JO-2024.
Le message lumineux a été projeté vers 23H00 sur la façade du Cojo à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), au-dessus du logo Paris 2024 et des anneaux olympiques qui ornent le bâtiment rectangulaire, autour duquel plusieurs dizaines d’acteurs associatifs ont placardé des affiches, a constaté un journaliste.
« PLUS VITE pour vider l’Ile-de-France des populations précarisées », « PLUS HAUT vers l’exploitation des travailleurs sans-papiers », « PLUS FORT dans la réponse sécuritaire contre les personnes à la rue », dénoncent les associations sur ces pancartes bleu, orange et rouge placardées dans le quartier du comité d’organisation et sur les plots en béton devant son siège.
« ENSEMBLE exigeons la prise en compte des personnes exclues », propose une quatrième affiche.
« L’expérience des méga-événements sportifs dans le monde révèle un risque avéré de ‘nettoyage social’ des rues. Ce dernier est devenu la procédure standard pour de nombreuses villes hôtes des Jeux olympiques depuis les années 1980. A ce jour, tout porte à croire que les JO-2024 s’inscrivent dans cette dynamique », ont écrit lundi plus de 70 organisations dont Médecins du monde ou Emmaüs France dans une lettre ouverte destinée au Cojo, aux athlètes et aux fédérations.
Les associations s’inquiètent notamment des démantèlements de campements informels en région parisienne, du déplacement « forcé » de sans-abri, des évacuations de foyers de travailleurs immigrés ou encore d’interdictions de distributions alimentaires.
« Ça a déjà commencé très fort », observe Paul Alauzy, porte-parole de l’ONG Médecins du monde pour la région parisienne. « Il y a un impact négatif des JO sur les personnes à la rue, c’est ce revers de la médaille, ce nettoyage social des rues qu’on veut rendre visible : on parle de centaines, voire de milliers de personnes dont on détruit les lieux de vie informels », explique-t-il devant le bâtiment du comité olympique.
Un « avant-goût » des décisions à venir
Pour les seuls squats et foyers de travailleurs migrants, le collectif Schaeffer, signataire de la lettre ouverte, estime à 4.100 le nombre de ressortissants de pays africains qui ont été déplacés de la Seine-Saint-Denis après le démantèlement de leur lieu de vie. Pour l’essentiel, ils vivent désormais sur les berges du Canal Saint-Denis, selon les organisations qui leur viennent en aide.
A ceux-là s’ajoutent les plus de 1.600 personnes qui ont été transférées depuis six mois dans des « sas » d’hébergement en régions, ouverts en avril par le gouvernement pour y orienter les personnes migrantes à la rue en Ile-de-France, où les situations de campements sont récurrentes et l’hébergement d’urgence saturé. Les autorités ont également tenté d’interdire début octobre les distributions alimentaires dans un quartier populaire du nord de Paris, une décision finalement retoquée en justice.
Bref, les conséquences sont « déjà là » et ces exemples ne sont qu’un « avant-goût » des décisions à venir, anticipe Paul Alauzy. « Les politiques qui excluent les populations considérées comme indésirables ont déjà cours depuis longtemps. Les JO n’en sont qu’un accélérateur », estime-t-il.
Les organisations hétéroclites qui soutiennent l’action, allant du Barreau de Paris à l’Armée du Salut, en passant par Action contre la faim, en sont certaines : il faut s’attendre à d’autres arrêtés, notamment contre la mendicité ou les travailleuses du sexe. Hasard du calendrier, quelques heures avant leur action, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin était venu dimanche dans la même ville de Saint-Denis annoncer des moyens de sécurité « décuplés » pour les Jeux, comparé à ceux mobilisés pour le Mondial de rugby.
Les associations, elles, appellent les autorités à « garantir une continuité de la prise en charge des personnes en situation de précarité et d’exclusion, avant, pendant et après les Jeux » olympiques (26 juillet-11 août). Elles demandent également à intégrer les comités de pilotage des JO. Paul Alauzy défend la demande : « On connaît le terrain et on peut aider à ce que les choses se passent bien ».