Lancé en juillet dernier, le satellite européen, qui a d’abord pour mission de percer les secrets de la matière noire et de l’énergie sombre, principales composantes de l’Univers, montre qu’il sait aussi restituer la lumière avec une précision inédite.
Un peu plus de quatre mois après son lancement, le télescope spatial Euclid, de l’Agence spatiale européenne (ESA), donne un premier aperçu, ce mardi, de ses incroyables capacités techniques. Cinq images affinées pendant trois mois par Jean-Charles Cuillandre, astronome au Commissariat aux énergies alternatives et à l’énergie atomique (CEA). Lui-même n’en revient pas : « Cette résolution, c’est renversant. On voit l’Univers tel qu’on ne l’a jamais vu auparavant. »
« On sait maintenant que Euclid va réaliser l’objectif qu’on s’est donné. Il n’y a pas de défaut. Pour ceux qui ont réalisé la machine, c’est un succès total », se réjouit David Elbaz, directeur scientifique du département d’astrophysique du CEA Saclay. Cap sur cinq destinations lointaines.
« C’est une véritable tapisserie de galaxies. Il y en a environ 100 000. Tous ces petits points, ces petits blocs, c’est l’histoire de l’Univers qui se déroule sous nos yeux. On n’en avait jamais vu autant d’un seul coup », raconte Jean-Charles Cuillandre. Parmi les plus faibles, beaucoup n’avaient jamais été repérées. « C’est assez unique. On voit bien que d’un point de vue technique Euclid fonctionne à merveille », commente David Elbaz. La nébuleuse à la tête de cheval
C’est un objet céleste emblématique, déjà capturé par Hubble. « Sauf que là on a une vision de tout le panorama, souligne David Elbaz. On admire notamment au-dessus de la tête de cheval, une nuée bleue qu’on ne voit pas dans l’image de Hubble. Cela vient du gaz d’hydrogène ionisé. C’est intéressant car l’hydrogène est l’élément le plus abondant de l’univers et quand il est ionisé, on sait que signifie naissances d’étoiles. Cette lumière, c’est un peu comme le premier cri des étoiles qui viennent de naître. » L’astrophysicien ajoute que les poussières rouges sont, à l’inverse, les restes d’étoiles mortes et qu’en bas à gauche, la source intense de lumière est une pouponnière d’étoiles, bel et bien nées. « On a, en une image, trois étapes de la vie de ces astres. »
La galaxie spirale IC342
On la surnomme parfois la « galaxie cachée », sa proximité apparente avec les étoiles, les nuages de gaz et de poussières de notre propre galaxie, la Voie lactée, pouvant rendre son observation plus difficile. « Cette galaxie IC342 est environnée d’une quantité extraordinaire d’étoiles de la Voie lactée. Cette image est une validation des prouesses techniques du télescope. C’est un peu comme si on faisait une photo d’un chat à travers les feuilles d’une haie », illustre David Elbaz. « Je n’ai jamais vu autant de détails dans une image. Je pense que c’est le portrait le plus fin jamais pris d’une galaxie », s’enthousiasme Jean-Charles Cuillandre. « Quand vous regardez les images d’Euclid, il y a de l’information dans chacun des pixels. »
L’amas globulaire NGC 6397
Voilà des étoiles liées les unes aux autres par la gravité. « Nous sommes là dans la structure même de notre propre galaxie. En une image, on voulait montrer l’aspect cristallin, clair, des images d’Euclid », commente Jean-Charles Cuillandre. « Dans cet amas globulaire, 400 000 étoiles sont concentrées. On les voit individuellement, on voit leurs couleurs ! », s’émerveille David Elbaz. « Certains affirment que c’est au cœur de ce genre de structures que naissent des trous noirs de type intermédiaire. On pense que ces amas globulaires sont nés de la collision de galaxies. »
La galaxie irrégulière NGC 6822
Une galaxie, vraiment ? « On pourrait croire qu’il s’agit d’un amas d’étoiles », reconnaît David Elbaz. « C’est la plus proche galaxie de nous, en dehors des satellites de la Voie lactée. » Il se pourrait d’ailleurs qu’elle ait été déformée après être passée un peu trop près de notre galaxie. NGC 6822 a également été immortalisée par le télescope spatial James Webb. « Ici, on peut voir chaque étoile individuellement, même les plus faibles », assure Jean-Charles Cuillandre.