Plus de 182.000 personnes ont défilé contre l’antisémitisme, ce dimanche, dans toute la France, avec en point d’orgue la «grande marche civique» parisienne, en présence d’une bonne partie de la classe politique française dont l’extrême droite, mais sans le chef de l’État ni la France insoumise. À Marseille, Benoit Payan brille par son silence.
182.000 personnes environ ont défilé ce dimanche après-midi en France, dont 105.000 à Paris lors de la grande marche «civique» contre l’antisémitisme organisée à l’appel des présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher, a indiqué la préfecture de police. Le cortège s’est constitué derrière une banderole «Pour la République, contre l’antisémitisme», derrière laquelle ont également marché la Première ministre Elisabeth Borne et les anciens présidents Nicolas Sarkozy et François Hollande.
La tête du cortège s’est élancée depuis l’esplanade des Invalides avant de faire un premier arrêt pour entonner une Marseillaise tandis que certains riverains sortaient à leurs fenêtres pour applaudir.
Point de départ de la marche, la place des Invalides était noire d’une foule compacte, tandis que les stations de métro et les rues adjacentes étaient engorgées, témoignant d’une très forte affluence. Beaucoup de manifestants portaient de petits drapeaux tricolores.
La classe politique unie, sans les extrémistes de la France Insoumise
Un carré de personnalités politiques et de responsables religieux, comme le président du Crif Yonathan Arfi, et des dizaines de milliers d’anonymes ont ainsi marqué de leur présence cette marche symbolique en réponse aux très nombreux actes antisémites – plus de 1.200 selon un dernier décompte arrêté samedi soir – recensés en France depuis l’attaque sanglante du Hamas en Israël, le 7 octobre dernier.
Mais la France insoumise manquait à l’appel. Le parti de gauche radicale, accusé d’ambivalences sur l’antisémitisme, boycottait la manifestation du fait de la présence du RN, même si des Insoumis ont participé à d’autres rassemblements en province. Signe d’une fracture grandissante, le dépôt des gerbes organisé par LFI en fin de matinée près de l’emplacement de l’ancien Vel d’Hiv a été perturbé par un groupe de contre-manifestants arborant des pancartes «Touche pas à la mémoire», aux cris de «collabos».
«Notre ordre du jour, c’est la République», a résumé Gérard Larcher, appelant à un «sursaut citoyen». C’est une cause pour laquelle «tout le monde devrait se sentir concerné», a jugé le grand rabbin de France Haïm Korsia, regrettant que le sujet ait tourné au pugilat politique, «une honte» selon lui. «Les postures n’ont pas leur place» dans cette manifestation, a pour sa part mis en garde Elisabeth Borne dans un tweet, ciblant à la fois la France insoumise dont «l’absence parle d’elle-même», et le Rassemblement national dont «la présence ne trompe personne».
Des tensions en raison de la présence du RN
Et pour cause, si de l’avis de tout un chacun, cette marche demeure dans l’ensemble un succès, elle a été émaillée de quelques tensions en raison de la présence décriée du Rassemblement national, contestée par la gauche et la majorité en raison du passé antisémite du parti. «Nous sommes exactement là où nous devons être», a rétorqué Marine Le Pen quelques heures plus tard depuis les Invalides, fustigeant la «petite politique politicienne» de ses détracteurs.
La présence de l’extrême droite a donc été source de quelques tensions dans le défilé. Un groupe de militants de l’organisation juive de gauche Golem a ainsi brièvement essayé de s’opposer à sa participation au début de la manifestation, avant d’être contenu par la police. Les partis de gauche Europe Ecologie-Les Verts, PS et PCF ainsi que des associations de défense des droits humains ont quant à eux choisi de s’afficher derrière une banderole commune «contre l’antisémitisme et tous les fauteurs de haine et de racisme» dans une démarche de «cordon républicain» face à l’extrême-droite.
Macron, le grand absent
Emmanuel Macron, lui, a décidé de ne pas défiler. Le président de la République s’est adressé aux Français samedi soir, par le biais d’une lettre publiée par le journal Le Parisien. Il y a déploré «l’insupportable résurgence d’un antisémitisme débridé». «Une France où nos concitoyens juifs ont peur n’est pas la France», a-t-il écrit, en lançant un appel à l’unité de la France «derrière ses valeurs, son universalisme».
Sa non-présence a beaucoup fait parler dans les rangs de la manifestation parisienne, les uns déplorant son absence, estimant que sa présence aurait été symbolique, les autres excusant le président de la République en raison du contexte. Il s’agit par ailleurs de la plus forte mobilisation contre l’antisémitisme depuis la marche de protestation contre la profanation du cimetière juif de Carpentras en 1990, qui avait rassemblé quelque 200.000 personnes à travers le pays.
En fin d’après-midi, 110 mobilisations (hors Paris) avaient rassemblé 77.560 personnes, a précisé le ministère de l’Intérieur, relevant que les actions les plus importantes avaient été organisées à Strasbourg (5.000), Grenoble (3.700), Bordeaux (3.500), Nice (3.000), Lyon (3.000), Nantes (2.000) et La Rochelle (2.000). «Aucun incident notable» n’est à déplorer, a précisé la Place Beauvau. Pour rappel, la France compte la communauté juive la plus importante d’Europe, avec plus de 500.000 personnes.
À Marseille, le silence crasse de Benoît Payan
Dans la cité phocéenne, 7.500 personnes ont manifesté dans un périmètre étonnamment restreint. Si le rendez-vous était donné à 15h face à la Préfecture, la mobilisation s’est terminée une demi-heure plus tard au Palais de Justice, non loin du lieu de rendez-vous. Des critiques se sont rapidement manifestées ici et là soulignant que dans un contexte où la lutte contre l’antisémitisme doit être une priorité, l’absence de discours de Benoît Payan est perçue comme un signal grave.
Certains citoyens présents ont exprimé leur déception quant au manque d’engagement verbal de l’édile et du Printemps Marseillais (pseudo NUPES locale Ndlr), soulignant que les dirigeants politiques ont un rôle crucial à jouer dans la sensibilisation et la mobilisation contre la haine et la discrimination.
Interrogé sur cette absence de discours, le bureau du maire répond comme à son habitude absent en indiquant que Benoît Payan a choisi de participer à cette marche en qualité de citoyen, écoutant les préoccupations de la communauté sans vouloir politiser l’événement. Cependant, cette explication presque plausible n’a pas dissipé les critiques, certains insistant sur la nécessité d’une position claire et d’un leadership fort en ces temps difficiles.
La marche d’hier à Marseille soulève ainsi des interrogations sur le rôle d’un Printemps Marseillais et d’un maire vacillant dans la promotion de la tolérance et de la diversité, en particulier lorsqu’ils font face à des défis sociaux majeurs. Marseille attendait un propos cosmopolite livrant ainsi ses réflexions sur les débats et les enjeux que son évolution contemporaine entraîne. C’est une nouvelle fois raté.