La baisse du niveau des élèves en maths est « générale » et « inédite » dans les pays développés, selon les résultats de l’étude Pisa dévoilés. La France enregistre un recul plus important que les autres Etats de l’OCDE.
L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a dévoilé son étude Programme international pour le suivi des acquis des élèves (Pisa) sur le niveau des élèves de quinze ans. Tour d’horizon en plusieurs points de ce qu’il faut retenir :
Une baisse générale du niveau dans l’OCDE • L’OCDE évoque une « baisse inédite de la performance ». En mathématiques, la moyenne de l’OCDE baisse de 15 points par rapport à 2018 et de 10 points en compréhension de l’écrit. Cette dégringolade est une première depuis l’existence de Pisa. « Les résultats de 2022 sont parmi les plus bas jamais mesurés », selon l’Organisation. Les écarts entre chaque étude (tous les trois ans) n’avaient jusqu’ici jamais dépassé 4 points. Il n’y a qu’en sciences que les résultats sont restés stables.
La France reste dans la moyenne • La France n’échappe pas à cette chute. Ses résultats baissent davantage que dans le reste de l’OCDE. En mathématiques, le niveau des élèves recule de 21 points, et de 19 points en compréhension de l’écrit par rapport à 2018. Pour les sciences, l’OCDE ne relève « aucun changement significatif ».
Malgré cela, la France reste dans la moyenne des pays de l’OCDE dans les trois domaines étudiés (mathématiques, compréhension de l’écrit et sciences). « La baisse du niveau est générale et n’affecte pas que la France », soulignent les auteurs de l’étude. Allemagne, Finlande et Norvège enregistrent des baisses plus importantes encore. Certains pays s’en sortent mieux, comme l’Estonie, l’Autriche ou l’Irlande. Le Japon réussit même à améliorer ses résultats. Moins d’élèves très performants et plus d’élèves en difficulté • La baisse concerne tous les élèves, les plus en difficulté comme les meilleurs. Entre 2012 et 2022, la France a vu sa part d’élèves très performants baisser de 5,5 points et celle d’élèves peu performants augmenter de 6,5 points. Ces évolutions sont « plus accentuées » que dans la moyenne de l’OCDE.
Les causes de la dégringolade • L’impact de la pandémie de covid-19 est « indéniable » sur la baisse de la performance en mathématiques, particulièrement étudiée cette année. Mais tout ne peut pas lui être imputé, selon l’OCDE. Certains sujets n’ont pas progressé, comme « le soutien des élèves par les enseignants », jugé insuffisant. Seul un élève sur deux déclare que son professeur s’intéresse aux progrès de chaque élève dans la plupart des cours. Et seuls 59 % des élèves indiquent que le professeur continue à expliquer jusqu’à ce que les élèves aient compris.
Les enseignants français sont « mal préparés » au soutien des élèves, estime Eric Charbonnier, expert à l’OCDE en charge de l’éducation. Or, les pays qui limitent la chute de performance en mathématiques sont ceux où les élèves se sentent le plus soutenus par leurs professeurs. S’ajoute à cela la pénurie de professeurs, qui fait un bond de 50 % par rapport à 2018 et qui « a un impact sur les résultats ». « C’est la plus grande préoccupation des chefs d’établissement », relate Eric Charbonnier. En 2018, 17 % des élèves étaient dans des établissements où la pénurie d’enseignants « entravait l’instruction ». Ils sont 67 % en 2022 ! C’est la plus importante hausse au sein de l’OCDE. Cette envolée de 50 points creuse « un écart énorme » avec la moyenne des pays de l’OCDE (+21 points).
Les inégalités sont stables • Faut-il le voir comme une bonne nouvelle ? Les inégalités ne se sont pas aggravées en France depuis dix ans, mais c’est l’un des pays où elles sont les plus fortes. En mathématiques, l’écart entre les élèves les plus favorisés et les moins favorisés est plus important que dans le reste de l’OCDE, où il s’est accru depuis 2018.
Des élèves heureux et moins anxieux • Les élèves français se disent plutôt heureux – ils se situent entre 7 et 10 sur une échelle de satisfaction entre 0 et 10. Ils sont aussi moins anxieux en 2022 qu’en 2012 à l’idée d’avoir de mauvaises notes en mathématiques (64 % sont inquiets, contre 73 % en 2012). Et seuls 34 % sont tendus avant un devoir de maths, contre 51 % il y a dix ans.
Un climat peu propice aux apprentissages • En France, plus d’un élève sur cinq déclare avoir subi une situation de violence scolaire plus d’une fois par mois durant l’année qui a précédé le test Pisa. Les filles sont davantage touchées. Et les zones rurales (33 %) sont plus concernées que les grandes villes (19 %).
Dans les classes, notamment en cours de maths, le climat de discipline est toujours moins favorable aux apprentissages en France, comme en 2018. La moitié des élèves (30 % seulement en moyenne dans l’OCDE) déclarent qu’il y a du bruit et de l’agitation dans la plupart des cours de maths. De fait, 42 % des élèves n’écoutent pas ce que dit leur professeur, et 41 % ne peuvent commencer à travailler que bien après le début du cours. Les élèves français sont 30 % à indiquer être distraits en cours par l’utilisation d’appareils numériques – les leurs ou ceux des autres.
Attention aux groupes de niveau et au redoublement • A l’heure où Gabriel Attal envisage des groupes de niveau, l’OCDE recommande des garde-fous. « Quand les regroupements d’élèves concernent toutes les matières, ils conduisent plutôt à une baisse de performance, prévient Eric Charbonnier. Mais quand ils sont limités à quelques matières, qu’il s’agisse de groupes de niveau au sein d’une classe ou dans des classes différentes, il y a une relation positive avec la performance en mathématiques. »
S’ils se mettent en place, « l’enjeu sera de ne pas stigmatiser les élèves, et d’éviter d’avoir des classes pour les nuls ou pour les bons élèves », avec des enseignants « bien formés ». Quant au redoublement, s’il est relancé par Gabriel Attal, il faudra « de la remédiation » pour éviter qu’il ne soit perçu comme « stigmatisant et injuste », alerte Eric Charbonnier. En France, le taux de redoublement est passé de 40 % en 2003 à 10 % en 2022.
« Pour certains âges clés, il faut pouvoir proposer aux parents dont l’enfant n’a pas le niveau pour réussir dans la classe supérieure – et globalement au collège -, qu’il refasse une année qui ne sera pas exactement la même année, ou qu’il passe en année supérieure, mais à condition de s’engager à faire des stages de réussite pendant les vacances » et donc de reprendre les cours plus tôt que les autres, avait indiqué Gabriel Attal, le mois dernier, devant le Medef .
Certains pays s’en sortent bien… • En mathématiques, les pays d’Asie continuent d’occuper les premières places, à commencer par Singapour. Parmi les pays européens les plus performants figurent l’Estonie, la Suisse, l’Autriche et l’Irlande. L’Estonie a beaucoup investi dans la formation des enseignants sur le numérique et a moins souffert du Covid que d’autres pays. L’Irlande a une culture de l’évaluation des établissements, de l’aide personnalisée aux élèves et de la coopération entre enseignants.
… d’autres tombent de leur piédestal • La Finlande, longtemps montrée en exemple , enregistre une chute de ses résultats. Et une augmentation préoccupante des inégalités entre filles et garçons, avec par exemple 45 points d’avance en faveur des filles en compréhension de l’écrit.