Les membres de la commission paritaire ont suspendu leurs travaux dans la nuit et se retrouvent ce mardi, à 10 h 30, pour tenter de trouver un accord.
Des désaccords de dernière minute entre l’exécutif et la droite sur le projet de loi immigration. La commission mixte paritaire réunissant des députés et des sénateurs pour trouver un compromis sur le projet de loi immigration a été suspendue dans la nuit du lundi 18 au mardi 19 décembre et reprendra mardi à 10 h 30, a-t-on appris de sources parlementaires.
Les membres de cette CMP ont examiné une quinzaine d’articles, mais les discussions entre la droite et le gouvernement ont patiné sur la question controversée des prestations sociales versées aux étrangers, conduisant à cette suspension qui renforce l’incertitude sur l’avenir de ce texte qui fracture le Parlement. Déjà freinée dès son démarrage à 17 heures par une suspension de 4 heures, cette commission mixte paritaire (CMP), que beaucoup pensaient voir se terminer dans la soirée, a finalement été arrêtée à minuit trente, et ne reprendra donc que mardi matin, avec encore plusieurs dizaines d’articles à examiner.
Les APL, sujet de débats
Alors qu’un accord se dessinait entre la droite et le camp présidentiel, les négociations ont pâti d’un différend inattendu sur les allocations familiales. La droite veut conditionner les prestations sociales à cinq ans de présence sur le territoire (30 mois pour ceux qui travaillent), y compris les aides personnalisées au logement (APL), que la majorité souhaite au contraire voir échapper à ces restrictions. « Les APL, pour nous, c’était une ligne rouge », a tranché le député Ludovic Mendès, du parti présidentiel Renaissance. « Ce n’est pas négociable », a renchéri un de ses collègues, accusant LR de vouloir « remettre en cause l’accord ».
Cette position macroniste « n’est pas conforme » aux « engagements », a protesté sur le réseau social X le patron des sénateurs LR Bruno Retailleau. Le patron des députés Renaissance Sylvain Maillard, a reproché au parti de droite Les Républicains de ne « pas tenir » l’accord conclu avant la CMP.
La mesure devenue crispante au point de menacer le texte dans son intégralité a d’ores et déjà été repoussée à la fin des débats, le temps de trouver un nouvel accord. Une délégation de députés de la majorité chargés du projet de loi sur l’immigration a fait un passage rapide à Matignon lundi soir avant de retourner siéger. Cette CMP est « une mascarade de démocratie », a fustigé la cheffe de file du groupe La France insoumise Mathilde Panot, appelant à l’unisson de plusieurs élus de gauche au retrait du texte. L’exécutif avait promis de le faire en cas d’échec de la CMP.
« Un engagement » pour augmenter le nombre d’expulsions
Ajoutant à la dramaturgie du jour, Élisabeth Borne a déjà fait savoir, dans un courrier adressé, in extremis, à Gérard Larcher, qu’elle s’engageait à réformer l’aide médicale d’État « en début d’année 2024 », un ultimatum fixé par la droite. Ce dispositif permet aux étrangers sans papiers de bénéficier de soins médicaux.
Le président du parti LR, Éric Ciotti, attend aussi « un engagement » pour augmenter le nombre d’expulsions. Le ministre de l’Intérieur lui a adressé lundi un courrier annonçant l’accélération des délais de réalisation de nouvelles places en centre de rétention (CRA). Le texte devait être soumis à partir de 17 heures au vote de sept députés et sept sénateurs lors de cette CMP à huis clos à l’Assemblée nationale, avec de possibles ajustements à la marge. Avant de revenir mardi dans l’hémicycle des deux chambres pour une adoption à l’identique.
L’exécutif se montrait confiant : « Nous sommes plus près d’un accord que d’un désaccord », a assuré lundi le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, reconnaissant néanmoins qu’« il reste beaucoup de détails à régler ». Pour Emmanuel Macron, qui disait vendredi espérer « un compromis intelligent » sur ce texte et a reçu lundi Élisabeth Borne à déjeuner, c’est une étape cruciale de son deuxième quinquennat.
Des manifestations dans plusieurs villes
Plusieurs milliers de manifestants ont défilé, ce lundi, en France pour appeler à la « résistance » contre le projet de loi immigration, qui représente selon eux un « reniement des valeurs » républicaines, alors que l’avenir du texte se jouait dans la soirée lors d’une réunion cruciale à l’Assemblée nationale. À l’appel de collectifs de sans-papiers et de la Marche des Solidarités, plusieurs milliers de personnes (2 300 selon la préfecture de police) se sont rassemblées place de la République, dans le centre de Paris, derrière des pancartes « Darmanin ne fera pas sa loi », selon un de nos confrères sur place.
« Notre pays n’est pas, en ce moment, en train de se réunir à l’Assemblée nationale. Il est ici comme dans une soixantaine de villes pour manifester » contre un projet de loi « raciste », a dénoncé Denis Godard, un représentant de la Marche des Solidarités, promettant d’entrer « en résistance » si le texte était finalement adopté.
Des manifestations similaires, se sont tenues dans plusieurs villes de France, de Marseille (500 personnes rassemblées selon la préfecture locale) à Toulouse en passant par Nantes, où 400 personnes s’étaient réunies selon la préfecture de Loire-Atlantique.