Alors que la fronde contre la loi immigration s’est étendue aux 32 départements dirigés par la gauche, dont Paris, qui « n’appliqueront pas » le durcissement des conditions de versement aux étrangers de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), que contient vraiment la nouvelle loi immigration ?
Le Parlement a approuvé définitivement mardi la loi sur l’immigration. L’Assemblée l’a voté avec 349 voix pour et 186 voix contre, sur 573 votants, Les Républicains et le Rassemblement national joignant leurs voix à celle de la majorité. Cette dernière s’est divisée : 59 voix lui ont manqué, sur 251 députés, entre votes contre et abstentions. Le Sénat, dominé par la droite et le centre, avait adopté par 214 contre 114 le texte issu des longues et douloureuses tractations de la Commission mixte paritaire, conclave de sept sénateurs et sept députés dominé par la droite.
Régularisation des travailleurs étrangers
Le texte adopté par le Parlement contient plusieurs mesures phares. La régularisation des travailleurs étrangers dans les métiers en tension en fait partie. Les préfets auront bien le pouvoir discrétionnaire d’accorder ou non les titres de séjour.
Il s’agira d’un titre de séjour d’un an, délivré au cas par cas, à condition d’avoir résidé en France pendant au moins trois ans et exercé une activité salariée durant au moins 12 mois sur les 24 derniers. Cette « expérimentation » ne s’appliquera que jusqu’à fin 2026. Les étrangers déjà condamnés ne pourront pas y prétendre.
Le délit de séjour irrégulier rétabli
Autre disposition votée, l’expulsion de certains étrangers actuellement protégés. L’expulsion sera facilitée notamment à l’encontre des migrants condamnés pour des délits ou des crimes punis de trois ans de prison ou plus. Cela concerne par exemple les faits de violences intrafamiliales ou des faits de violences contre les élus. Par ailleurs, le délit de séjour irrégulier est rétabli. La peine encourue est fixée à 3.750 euros d’amende.
Quotas migratoires
L’instauration de « quotas » fixés par le Parlement pour plafonner « pour les trois années à venir » le nombre d’étrangers admis sur le territoire (hors demandeurs d’asile) est considérée comme inconstitutionnelle par le camp présidentiel.
Mais ce dernier a quand même accepté d’intégrer cette mesure, ainsi que la tenue d’un débat annuel sur l’immigration au Parlement, dans le texte de la CMP pour satisfaire LR… avec l’espoir à peine dissimulé que le Conseil constitutionnel se charge de la retoquer.
Déchéance de nationalité, droit du sol
La majorité présidentielle a également fini par donner son accord à la déchéance de nationalité pour les binationaux condamnés pour homicide volontaire contre toute personne dépositaire de l’autorité publique. Concernant le droit du sol, elle a concédé la fin de l’automaticité de l’obtention de la nationalité française à la majorité pour les personnes nées en France de parents étrangers : il faudra désormais que l’étranger en fasse la demande entre ses 16 et 18 ans. Autre restriction obtenue par la droite : en cas de condamnation pour crimes, toute naturalisation d’une personne étrangère née en France deviendrait impossible.
Cinq ans de présence sur le territoire pour bénéficier des allocations familiales
Pour des prestations comme les allocations familiales, pour le droit opposable au logement ou l’allocation personnalisée d’autonomie, un délai de cinq ans est ainsi prévu pour ceux qui ne travaillent pas, mais de 30 mois pour les autres.
Pour l’accès à l’Aide personnalisée au logement (APL), principal point d’achoppement, une condition de résidence est fixée à cinq ans pour ceux qui ne travaillent pas, et de seulement trois mois pour les autres. Ces nouvelles restrictions ne s’appliquent pas aux étudiants étrangers. Sont par ailleurs exclus de toutes ces mesures les réfugiés ou les titulaires d’une carte de résident.
Regroupement familial
Le durcissement des conditions du regroupement familial voté par le Sénat se retrouve pour l’essentiel dans le texte final, avec notamment une durée de séjour du demandeur portée à 24 mois (contre 18), la nécessité de ressources « stables, régulières et suffisantes » et de disposer d’une assurance maladie, ainsi qu’un âge minimal du conjoint de 21 ans (et plus 18).
Aide médicale d’État
La suppression de l’Aide médicale d’État (AME) pour les sans-papiers était l’un des principaux chevaux de bataille de la droite. Mais les LR ont accepté d’y renoncer dans ce texte, moyennant la promesse d’une réforme du dispositif début 2024.
Le texte de la CMP comprend en revanche une restriction de l’accès au titre de séjour « étranger malade ». Sauf exception, il ne pourra être accordé que s’il n’y a pas de « traitement approprié » dans le pays d’origine. Une prise en charge par l’assurance maladie sera par ailleurs exclue si le demandeur a des ressources jugées suffisantes.