De manière plus ou moins consciente, les tics de langage font partie intégrante de nos discussions quotidiennes. Des expressions telles que « du coup », « voilà », « genre », « en fait », « de base », « en mode », « bref », « euh », « bah » s’immiscent dans toutes nos conversations, révélant des aspects de notre personnalité et de notre environnement linguistique. Faut-il s’en défaire ?
Selon Gilles Col, professeur de linguistique à l’Université de Poitiers, ces tics ont une temporalité imprévisible. Ils peuvent émerger sous l’influence de la mode, du mimétisme, ou encore être propagés par des sphères telles que la famille, l’école, le milieu professionnel, les médias, voire les personnalités politiques. « Certains mots sont plus faciles à utiliser que d’autres en raison de la prononciation ou du sens », explique-t-il. Le phénomène est accentué par la rapidité de propagation grâce aux réseaux sociaux.
Les tics de langage, au-delà de leur caractère anecdotique, jouent des rôles variés dans nos interactions. D’une part, ils comblent les silences, assurant une certaine sociabilité et facilitant le maintien du contact. D’autre part, ils structurent la parole, agissant comme des balises dans le discours. Selon le professeur de linguistique, ils permettent de naviguer dans le flux de la conversation, offrant des repères.
Ces expressions peuvent également être le reflet de notre caractère, de nos pensées intimes, et de notre besoin d’appartenance à un groupe social. « Les mots révèlent plus qu’ils ne cachent », souligne Gilles Col, ajoutant que ces tics peuvent parfois trahir notre incertitude ou notre difficulté à exprimer nos émotions.
La question se pose alors : faut-il s’en débarrasser ? Le débat est intense. Certains estiment que ces tics appauvrissent la langue, les jugeant irritants voire ridicules, particulièrement dans des contextes professionnels. Pour Françoise Nore, docteure en linguistique, ces habitudes « ne sont pas utiles » et peuvent être perçues comme imprécises. Cependant, Gilles Col soutient que ces mots spontanés sont essentiels pour l’évolution de la langue. Il propose de les considérer comme des « outils langagiers » plutôt que des tics.
Faut-il alors les éliminer ? La réponse est loin d’être unanime. Ceux qui plaident pour un enrichissement de la langue suggèrent des solutions telles que ralentir le rythme de parole, utiliser des pauses, ou trouver des mots plus adaptés. Cependant, Gilles Col conclut en soulignant qu’il ne donne aucun conseil pour les éliminer, arguant que ces mots sont inhérents à la richesse et à l’évolution de notre langage.