Marseille est aujourd’hui aux prises avec un fléau rampant et inquiétant : le narcotrafic. Devant la commission sénatoriale sur ce sujet, les magistrats marseillais ont dressé un tableau alarmant de la situation, décrivant la ville comme une « narcoville » engagée dans une « guerre asymétrique » entre l’État et les trafiquants de drogue.
L’année 2023 a marqué un tournant tragique pour Marseille, avec une explosion du nombre d’assassinats et de tentatives d’assassinat liés aux stupéfiants. Les chiffres sont glaçants : 50 morts et 123 blessés. Olivier Leurent, président du tribunal judiciaire de la ville, a souligné la nature asymétrique de la guerre qui oppose un État en situation de vulnérabilité à des trafiquants disposant de moyens considérables.
La guerre est asymétrique entre l’État, en situation de vulnérabilité, et des trafiquants qui disposent d’une force de frappe considérable sur le plan des moyens financiers, humains, technologiques et même législatifs
a résumé M. Leurent devant la commission d’enquête sénatoriale.
Bien que le narcotrafic ne soit pas exclusif à Marseille, les magistrats estiment que la cité phocéenne en est l’épicentre, où il se manifeste dans toute sa violence, abîmant le tissu social jour après jour. Les modes de recrutement de tueurs de plus en plus jeunes, effectués sur les réseaux sociaux, ont accru les risques pour la sécurité des Marseillais.
Devant cette situation critique, Olivier Leurent a lancé un appel pressant à un « plan Marshall » de la lutte contre le narcotrafic. Ce plan, similaire à l’engagement contre les violences intrafamiliales, est considéré comme essentiel pour préserver l’État de droit et la stabilité républicaine. Les magistrats ont formulé des propositions concrètes, allant du renforcement du régime carcéral à la lutte contre la corruption et la mise en place de cours d’assises spéciales.
Si la détention était autrefois vue comme une solution pour mettre fin aux activités des têtes de réseau, elle est aujourd’hui considérée comme un maillon faible dans la lutte contre le narcotrafic. Les trafiquants eux-mêmes parviennent à maintenir leurs opérations en introduisant drogue et téléphones portables en prison.
Face à cette montée en puissance du trafic, les magistrats ont exprimé leur inquiétude au sujet de la sécurité des juges, évoquant le souvenir de Pierre Michel, juge d’instruction assassiné en 1981 par une équipe de trafiquants d’héroïne. L’idée que les magistrats pourraient être les prochaines cibles est désormais une crainte réelle.
Au-delà de la lutte contre le narcotrafic, les magistrats ont plaidé en faveur d’une politique de santé publique contre la consommation de stupéfiants. Ils ont souligné le grave manque de campagnes d’information et de prévention, notamment à Marseille, mettant en lumière une « problématique sociale gigantesque » liée à la consommation de stupéfiants.
Le nouveau préfet de police, Pierre-Edouard Colliex, a affirmé que « la lutte contre la drogue demeurera au cœur de notre action ». Cependant, les magistrats restent sceptiques quant à l’efficacité de la stratégie actuelle, appelant à une action plus vigoureuse.
La commission d’enquête sénatoriale sur le trafic de drogue est à Marseille ce jeudi 7 mars et vendredi 8 mars pour évaluer la situation sur place. Les magistrats ont conclu leurs témoignages en décrivant la situation comme une « vertigineuse promenade au bord du gouffre ».
Le maire de Marseille, Benoit Payan, est face à un défi de taille, alors que la ville lutte pour contrôler le narcotrafic qui déchire déjà le tissu social et compromet gravement la sécurité publique. Marseille, autrefois connue pour son charme méditerranéen, se bat désormais pour retrouver sa quiétude et sa réputation. La question qui persiste est de savoir si la ville parviendra à inverser cette spirale dangereuse, menée par des élus en place (Printemps marseillais) dont la médiocrité n’est plus à prouver.