En l’espace d’une semaine, Emmanuel Macron s’est engagé dans la campagne électorale avec une série d’interviews qui ont attiré l’attention. Pourtant, son approche soulève des questions sur la manière dont il mobilise son électorat.
D’abord, ses récentes déclarations ont pris des allures de bilan. Bien qu’il évoque les projets pour les années à venir, tant en France qu’en Europe, il semble également regarder en arrière, dressant un inventaire de ses sept années à l’Élysée, non sans quelques regrets.
Cette rétrospective inattendue, à quelques jours d’un grand meeting destiné à galvaniser sa base pour le sprint final vers le 9 juin, laisse perplexe. Est-ce une stratégie efficace pour mobiliser ses troupes et dynamiser la campagne laborieuse de la majorité ? On peut se demander si le président de la République lui-même croit en la possibilité d’éviter une grosse déroute électorale.
Une autre interrogation concerne le contenu même de ses interventions. Bien qu’il insiste sur l’idée d’une « Europe puissance », tant sur le plan politique, économique que militaire, comme rempart contre les nationalismes, cela semble déconnecté des préoccupations principales des électeurs français, centrées davantage sur le pouvoir d’achat, l’immigration et l’environnement. Dans un pays qu’il qualifie pourtant de « plus politique au monde », Emmanuel Macron risque-t-il de s’égarer en accordant une importance excessive à des enjeux internationaux plutôt qu’aux défis domestiques ?
Jordan Bardella continue de faire forte impression à l’approche des élections européennes du 9 juin, avec une montée en flèche dans les sondages. Selon le dernier sondage réalisé par l’institut Elabe pour BFMTV et La Tribune Dimanche, la tête de liste du Rassemblement National, récolte 32% des intentions de vote. C’est une hausse de 2 points par rapport au début du mois d’avril, et surtout, une avance confortable de 15,5 points sur Valérie Hayer, tête de liste macroniste. Les raisons de cette domination sont claires : un soutien massif des électeurs de Marine Le Pen au premier tour de la présidentielle de 2022, ainsi qu’un transfert significatif des voix des électeurs d’Éric Zemmour, qui envisagent de voter pour le RN.
Cette percée s’accompagne d’une captation de nouveaux segments socioprofessionnels qui, jusqu’ici, étaient éloignés du frontisme. Jordan Bardella mène la danse auprès des retraités, des cadres, des citadins des grandes agglomérations, des diplômés de l’enseignement supérieur, et surtout, des Français qui ne ressentent pas les contraintes en fin de mois. Bernard Sananès, président de l’institut Elabe, souligne que « la progression du RN dans les intentions de vote se fait en parallèle d’une homogénéisation de son socle. Il a toujours été fort chez les ouvriers et dans les petites communes, il se renforce chez les CSP+ et dans les grandes villes. Ceux qui jouissent d’un mode de vie de cadre jugent désormais qu’il y a des problèmes, notamment dans le domaine de la sécurité, qui justifient de voter pour ce parti. »
Dans le face-à-face tendu entre Valérie Hayer (Renaissance) et Jordan Bardella, le président de la République a opté pour une vision globale, divergeant ainsi des préoccupations sécuritaires mises en avant par son adversaire. Cependant, cette approche le place désormais en décalage avec les préoccupations immédiates des français. En se concentrant sur des enjeux qui semblent lointains du quotidien, Emmanuel Macron a perdu le contact avec la réalité politique nationale. Entre réflexion sur le passé et projection vers l’avenir européen, il navigue sur une ligne fine où mobiliser l’électorat demeure un défi presque irréalisable.