Attribué à tort à un peintre méconnu et presque mis aux enchères en 2021 pour 1.500 euros, le tableau « Ecce Homo » du Caravage, finalement authentifié et entièrement restauré, est exposé pour quelques mois au musée madrilène du Prado.
Une toile d’une « valeur extraordinaire » marquée par une histoire hors du commun. Voilà comment le célèbre musée décrit cette peinture vieille de 400 ans. Elle sera montrée au grand public durant neuf mois, dont six dans une salle dédiée. Cette exposition est rendue possible par la « générosité » de son nouveau propriétaire, qui a accepté de prêter l’œuvre temporairement, souligne le directeur du Prado, Miguel Falomir, lors d’une conférence de presse, sans dévoiler l’identité de cette personne.
Peint entre 1605 et 1609, cet « Ecce Homo » (« Voici l’homme » en latin) représente le Christ, les mains attachées et la tête ceinte d’une couronne d’épines, lors de sa présentation à la foule par le préfet romain Ponce Pilate, peu avant sa crucifixion. Il s’agit de l’une des soixante œuvres au monde attribuées à Michelangelo Merisi da Caravaggio, dit Le Caravage (1571-1610), peintre à la vie tumultueuse lui-même oublié durant trois siècles avant que son génie soit de nouveau reconnu dans les années 1950.
La redécouverte de cette peinture est « un événement important » car « cela faisait plus de 45 ans » qu’on n’avait plus identifié de nouvelle « œuvre du Caravage », assure David Garcia Cueto, responsable du département de peinture italienne du Prado. Selon les experts, cette huile sur toile de petite taille a rejoint la collection privée du roi Philippe IV d’Espagne au milieu du 17e siècle, avant d’être exposée dans les appartements de son fils Charles II.
Léguée à la Real Academia de San Fernando, à Madrid, elle aurait été récupérée en 1823 par l’homme d’État et diplomate espagnol Evaristo Pérez de Castro en échange d’un autre tableau, avant d’être transmise à ses descendants. Tombée dans l’oubli, la toile a retrouvé la lumière en avril 2021. Initialement prise pour l’œuvre d’un disciple de José de Ribera, peintre espagnol du début du XVIIe siècle et grand admirateur du Caravage, une maison d’enchères madrilène l’avait mise à prix pour 1.500 euros.
Alerté par des experts, le Prado avait sonné l’alarme, en invoquant « des preuves documentées et stylistiques suffisantes » pour envisager que l’œuvre soit du Caravage. Dans la foulée, le ministère espagnol de la Culture avait bloqué l’opération et interdit son exportation. Une intervention aujourd’hui saluée par la communauté des historiens de l’art : « les spécialistes » qui se sont penchés sur ce tableau ont établi « de façon absolument unanime » qu’il s’agissait d’une peinture du maître italien, insiste David Garcia Cueto.
Parmi les experts ayant participé à l’authentification de cet « Ecce Homo » figure Maria Cristina Terzaghi, professeure d’art moderne à l’université italienne Roma Tre. Le tableau « a été soumis à des images radiographiques » et à un « examen » approfondi, notamment lors de sa restauration, a raconté lundi l’universitaire, qui s’était déplacée à Madrid dès le blocage de la vente pour ausculter le tableau. Tous ces éléments montrent qu’il s’agit « bel et bien d’un chef-d’œuvre du Caravage », a ajouté la spécialiste, évoquant la nature des coups de pinceau, la composition du tableau ou l’expressivité des personnages, tous typiques du spécialiste italien du clair-obscur.
Qu’adviendra-t-il de cette peinture une fois passés les neuf mois d’exposition ? Selon des médias espagnols, le tableau – qui aurait été acheté 36 millions d’euros par son nouveau propriétaire, un citoyen britannique résidant en Espagne – pourrait rester montré au grand public. Ecce Homo « ne va pas finir au domicile de son acheteur » car ce dernier souhaite qu’il rejoigne des « collections publiques, pour le moment, sous forme de prêt », a assuré Jorge Coll, responsable de la galerie qui s’est chargée de sa vente, au quotidien El Pais. Du côté du Prado, on se dit toutefois prudent :
C’est une œuvre privée donc son propriétaire aura le dernier mot
rappelle Miguel Falomir.
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