À l’ombre de Mykonos, où les voiliers dansent sur les eaux azur de la mer Égée, une île discrète connaît un destin tragique. Délos, joyau de l’archipel des Cyclades et site archéologique classé au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1990, lutte silencieusement contre les assauts implacables de la mer.
Véronique Chankowski, directrice de l’École française d’Athènes, qui supervise les fouilles sur l’île depuis un siècle et demi, est catégorique :
Délos est condamnée à disparaître d’ici une cinquantaine d’années.
Les murs de pierre, vestiges impressionnants vieux de près de deux millénaires, sont déjà en train de s’effondrer sous l’impact de la montée du niveau de la mer, exacerbée par le réchauffement climatique.
Ce sanctuaire dédié à Apollon, dieu grec des arts et de la beauté, a été autrefois une plaque tournante du commerce méditerranéen antique, attirant des pèlerins de toute la Grèce. Aujourd’hui, il attire principalement des archéologues en été et deux gardiens en hiver, mais les visiteurs occasionnels continuent d’affluer, souvent au détriment de la préservation du site.
Chaque année, je vois de nouveaux murs s’effondrer au printemps
se désole Jean-Charles Moretti, chercheur au CNRS IRAA et directeur de la mission archéologique française sur l’île.
L’eau ronge inexorablement les bases des structures antiques, menaçant de les effacer pour toujours.
Outre les défis posés par la montée des eaux, Délos doit également faire face à une pression touristique croissante. Les soirées endiablées de Mykonos résonnent parfois jusque sur les pentes de Délos, tandis que des bateaux de croisière déversent des flots de visiteurs qui, parfois, ne respectent pas les zones préservées.
Les mesures d’urgence telles que l’installation d’étais de bois pour soutenir les murs fragilisés sont mises en place, mais elles ne sont que des pansements sur une blessure béante. Véronique Chankowski plaide pour une approche multidisciplinaire, combinant expertise archéologique, écologique et climatique pour trouver des solutions durables.
Le défi est immense :
Nous avons remplacé les pailles en plastique par des pailles en papier, mais nous avons perdu la bataille pour protéger notre environnement
déplore Athena-Christiana Loupou, archéologue grecque sur Délos. La bataille pour sauver Délos, un témoignage unique de la grandeur antique, est désormais une course contre la montre.