L’incompétence, au sens de l’inexpérience et de l’impréparation, des élus et cadres du Rassemblement National (RN) est une question centrale pour une opposition n’ayant jamais accédé au pouvoir. Alors que le spectre d’une alternance politique se profile, il est essentiel d’examiner les implications d’une telle éventualité sur le fonctionnement de l’État et la stabilité de la gouvernance.
Pierre Bouchardon souligne dans les colonnes du site Atlantico que l’administration, bien qu’accusée de partialité, présente une réalité contrastée. Par exemple, l’Éducation nationale est souvent perçue comme ayant perdu sa neutralité, contrairement à la fonction publique territoriale, habituée à l’alternance des exécutifs locaux. En revanche, la haute hiérarchie de la police et des Armées est sociologiquement la plus loyale des administrations d’État. Les forces de l’ordre, par exemple, se montrent moins inquiètes face à une victoire du RN qu’à l’idée de voir La France Insoumise (LFI) occuper des postes régaliens.
L’inexpérience des cadres du RN représente un défi majeur. Contrairement à l’alternance de 1981, où François Mitterrand disposait d’un réseau étendu d’élus et de technocrates chevronnés, le RN ne bénéficie pas d’une telle infrastructure. À l’époque, François Mitterrand avait préparé l’alternance en plaçant des équipes compétentes dans les administrations, prêtes à gouverner. Aujourd’hui, le RN ne peut pas compter sur une telle préparation, ce qui soulève des questions sur sa capacité à gérer efficacement les affaires de l’État.
Les grands corps du pays, bien que réformés sous Macron, réagiront probablement avec prudence et attentisme en cas d’alternance. Les réformes récentes ont laissé des ressentiments, et un certain loyalisme prudent pourrait dominer. Le corps diplomatique, par exemple, bien que critique des initiatives internationales de Macron, est naturellement réticent au changement radical. Le RN pourrait toutefois apaiser ces tensions en revenant sur certaines réformes impopulaires, ce qui serait techniquement bénéfique.
Toujours dans les colonnes du site Atlantico les résultats électoraux révèlent une fracture entre les élites et la population. Aux élections européennes, le véritable vainqueur a été le vote abstentionniste, blanc et nuls avec 51,40% des voix. Cette situation met en lumière une crise de la représentativité et de la légitimité démocratique, qui pourrait entraîner des mouvements sociaux violents si les lois adoptées par une majorité RN étaient perçues comme illégitimes. Cette crise de la démocratie est un signal d’alarme pour toute société soucieuse de stabilité et de cohésion.
Certaines institutions, comme le Conseil d’État, jouent un rôle clé dans l’évaluation des textes gouvernementaux et la gestion des contentieux des libertés publiques. En cas de gouvernement RN, des frictions pourraient survenir, notamment avec des figures influentes comme Christophe Chantepy, ancien militant PS et président de la section du contentieux. La haute fonction publique, majoritairement composée de fidèles des gouvernements précédents, pourrait ralentir ou compliquer la mise en œuvre des politiques du RN.