En politique, rares sont ceux qui acceptent de disparaître sans se battre. Gérald Darmanin, évincé du gouvernement pour la première fois depuis sept ans, incarne cette réalité. Ce dimanche, à Tourcoing, sa ville fief, l’ancien ministre de l’Intérieur réunit ses soutiens. Mais au-delà de ce rassemblement, c’est une véritable remise en question de sa stratégie politique qui s’impose. Après avoir reporté sa rentrée pour « ne pas gêner » la formation du gouvernement, il se retrouve désormais à devoir réinventer son avenir.
Évincé des plus hautes sphères de l’État, Gérald Darmanin entre dans une période charnière. Lui, qui occupait Beauvau avec assurance, n’a pas réussi à prolonger son aventure ministérielle après la dissolution de l’Assemblée nationale. D’aucuns diront que c’est le prix à payer pour son ambition. Lorgnant publiquement sur le Quai d’Orsay, il espérait encore une place de choix dans le nouveau gouvernement, jusqu’à se faire une raison et opter pour une sortie orchestrée.
La politique, toutefois, ne pardonne pas l’inertie, et Gérald Darmanin l’a bien compris. En convoquant le camp macroniste à Tourcoing, il tente de rappeler qu’il reste un acteur majeur, une voix qui compte, malgré tout. Mais comment ne pas voir dans cette initiative l’urgence d’un homme qui, face à une situation inédite, cherche à redéfinir son rôle ?
Le rassemblement de Tourcoing doit marquer son retour en grâce, mais le contexte politique a changé. Les barons locaux, autrefois bienveillants, semblent désormais se détacher. L’accusation de Violette Spillebout contre ceux qui l’auraient empêchée de décrocher un portefeuille ministériel n’est qu’un écho d’un jeu de pouvoir plus large. Dans les Hauts-de-France, des figures comme Xavier Bertrand ou Martine Aubry ne sont pas ses alliés naturels, malgré son ancrage dans la région.
Son influence au sein même du camp macroniste a aussi subi des coups durs. La mise à l’écart de son ancien chef de cabinet, Mathieu Lefèvre, pour un poste budgétaire important, est un signe tangible de cette perte de pouvoir. En marge, Gérald Darmanin reste un faiseur de rois potentiel, mais ses soutiens, aussi nombreux soient-ils, sont moins unis que par le passé.
Une droite moderne ou un homme libre ?
Depuis des années, l’ancien ministre de l’Interieur se positionne comme le représentant d’une « droite moderne » au sein du camp macroniste, un homme politique capable de parler aux classes populaires tout en restant fidèle à certaines valeurs de la droite. Cette posture, autrefois un atout, semble aujourd’hui devenir un point de tension. Désormais, dans une France post-Macron, les cartes sont redistribuées. Gérald Darmanin se retrouve sans véritable écurie, mais paradoxalement avec une liberté que peu d’autres peuvent revendiquer.
C’est cette liberté, justement, qui pourrait être sa plus grande force ou son talon d’Achille. Entre l’ancien Premier ministre Jean Castex, qui reste en retrait, et un Gérald Darmanin désormais simple député, le parallèle est frappant : l’absence de responsabilités ministérielles offre un espace de manœuvre, mais exige de recréer un projet, une direction.
Roi ou faiseur de roi pour 2027 ?
L’échéance de 2027, bien que lointaine, n’échappe à personne. Si Gérald Darmanin a été adoubé par Nicolas Sarkozy, c’est en partie parce qu’il incarne une droite encore en transition, à la recherche de son leader. Mais à mesure qu’Édouard Philippe s’affirme comme candidat, une question se pose : Gérald Darmanin peut-il espérer être autre chose qu’un soutien de poids ?
La réponse n’est pas encore tranchée. À ce stade, il semble hésiter entre briguer lui-même l’Élysée ou se poser en faiseur de roi. « Il n’a pas encore choisi s’il voulait être roi ou faiseur de roi », note un élu de droite francilien. Mais quoi qu’il décide, il sait qu’il doit d’abord renforcer ses bases, regagner des soutiens, et surtout, prouver qu’il est encore capable de peser dans le débat politique.