Je me souviens encore de ce jour, en mars 2020, lorsque Emmanuel Macron, face caméra, a répété six fois « nous sommes en guerre ». Le visage grave, presque martial. Ce jour-là, j’ai compris que le président, en plus d’aimer gouverner, aimait la guerre. Non pas au sens traditionnel du terme – avec des tanks et des tranchées –, mais plutôt cette confrontation permanente, cet affrontement qui fait vibrer les puissants.
Car oui, la guerre est devenue une façon de gouverner pour Emmanuel Macron. D’abord contre les gilets jaunes, ce mouvement de citoyens excédés par une politique déconnectée des réalités quotidiennes, réprimé avec une violence rarement vue sous la Vème République. Puis, contre les non-vaccinés, qualifiés de « réfractaires », « irresponsables », voire carrément de « citoyens à emmerder ». Une guerre, d’abord sociale, puis sanitaire, et aujourd’hui, une guerre énergétique et peut-être, qui sait, une guerre militaire qui se profile à l’horizon avec l’implication croissante de la France dans le conflit russo-ukrainien.
Cette appétence pour la confrontation n’est pas nouvelle. Depuis son arrivée au pouvoir, Emmanuel Macron a cultivé l’image d’un chef d’État autoritaire, un président au-dessus de la mêlée, prêt à faire plier les résistances, qu’elles soient internes ou externes. Un style « jupitérien » diront certains, « arrogant » corrigeront d’autres.
Rappelez-vous l’affaire Benalla. « Qu’ils viennent me chercher », avait-il lâché, défiant ses opposants et, plus largement, la démocratie elle-même. Ou encore son SMS à Olivier Véran en pleine campagne vaccinale :
Tiens bon, on les aura ces connards.
Ces mots en disent long sur l’état d’esprit du chef de l’Etat. Pour lui, tout désaccord devient une guerre à mener, tout contradicteur est un adversaire à abattre.
Et pourtant, il n’a jamais porté l’uniforme. L’ironie est mordante. Celui qui se pose aujourd’hui en chef des armées, prompt à s’aligner sur les États-Unis et à précipiter la France dans des frappes militaires – comme ce fut le cas en Syrie en 2018 – n’a jamais fait ses classes dans l’armée. Peut-être est-ce là le nœud du problème ? Cette volonté constante de prouver, de compenser.
Mais au-delà des querelles internes et des postures provocantes, il y a quelque chose de plus profond. Emmanuel Macron est un homme en quête de grandeur. Il veut marquer l’Histoire, laisser une empreinte. Mais à quel prix ? À l’image d’un Napoléon des temps modernes, il semble prêt à en découdre, à condition que cela lui assure une place dans les livres d’histoire. D’ailleurs, son « alignement atlantiste » ne fait que confirmer cette idée. À l’ombre de l’Oncle Sam, il espère peut-être briller sous les projecteurs de la géopolitique mondiale.
Pourtant, chaque guerre qu’il engage, qu’elle soit sociale, sanitaire ou diplomatique, creuse un peu plus le fossé entre lui et les Français. C’est là tout le paradoxe de ce président. En voulant régner par la force, il se coupe peu à peu de son peuple. Un peuple qu’il semble mépriser, avec des phrases comme « Les non-vaccinés, j’ai très envie de les emmerder », ou encore « Gaulois réfractaires » qui refusent de suivre ses directives.
Ce besoin d’affrontement cache peut-être une insécurité plus profonde. Celle d’un homme qui sait, au fond de lui, que son pouvoir est fragile. Dans un entretien au journal Der Spiegel en 2017, il lâchait une phrase qui en dit long :
Je dis et je fais ce que je veux, même si on peut trouver ça choquant.
Une déclaration d’intentions qui laisse peu de place à la démocratie participative, à l’écoute ou au compromis. Et si Emmanuel Macron est en guerre, c’est aussi contre cette idée-là. Celle d’une démocratie où le peuple aurait un réel mot à dire.
Aujourd’hui, la France s’enfonce dans une guerre énergétique, exacerbée par le conflit en Ukraine. Et une fois de plus, Emmanuel Macron pousse ses pions, sans consultation, sans débat national. Pas de référendum pour demander l’avis des Français sur cette implication grandissante de notre pays. Non, le président préfère décider seul, encore une fois.
Ce qui manque à Emmanuel Macron, c’est peut-être tout simplement le goût de la paix. Le mot n’a jamais semblé faire partie de son vocabulaire. Il préfère diviser, quitte à fracturer un peu plus une société déjà en crise. Et tandis que les tensions internationales augmentent, que l’économie française chancelle, que les fractures sociales se multiplient, on peut se demander : jusqu’à quand la France pourra-t-elle tenir sous ce mode de gouvernance belliqueux ? Et surtout, jusqu’où ira Emmanuel Macron dans cette guerre permanente qu’il mène contre tout, contre tous, et peut-être, contre lui-même ?