Les gouvernements passent, les déficits restent. C’est la mélodie bien française qu’on nous rejoue cette année, avec comme toujours le fameux refrain des « 3 % du PIB », l’objectif de réduction du déficit qui semble se déplacer aussi facilement qu’un vieux rendez-vous chez le dentiste. On s’y prépare, on l’annonce, et finalement, on le repousse. Hier, c’était pour 2027 ; aujourd’hui, on nous parle de 2029. Quelle année floue – comme le budget, d’ailleurs.
Antoine Armand, tout frais tout pomme dans son rôle de ministre de l’Économie, a tenté de nous rassurer en estimant le déficit de 2024 à “un peu plus de 6 %” du PIB, ce qui reste tout de même un fossé abyssal par rapport aux 3 % promis. Peut-être qu’à force de se bercer d’illusions, certains à Bercy ont fini par croire qu’on pourrait confondre un gouffre financier avec un « léger écart de prévision ».
Du côté des bancs du gouvernement, les grands sourires forcés sont de sortie. Le mot d’ordre : espérer. Espérer ramener le déficit à 5 % en 2025 en réduisant les dépenses de 40 milliards et, pour le reste, en taxant un peu plus tout ce qui bouge. Cette fameuse « taxation des plus riches » est évoquée comme le Graal fiscal, bien que son efficacité réelle reste un mystère, même pour ceux qui en débattent bruyamment au Parlement.
Et qui, maintenant, porte le chapeau ? Bruno Le Maire, ministre de l’Économie jusqu’à cet été, est désormais pointé du doigt pour sa gestion que certains qualifient poliment d’« optimiste ». La Commission des finances, dirigée par Éric Coquerel, demande même une enquête parlementaire pour comprendre comment on en est arrivé à creuser un trou de 6 % alors qu’on visait, avec ambition, un modeste 5 % en 2024. En réalité, c’est sans doute tout simplement le dernier épisode d’une vieille série qui mêle volontiers improvisation, budget sous-estimé et surchauffe des dépenses publiques.
Quant au Premier ministre Michel Barnier, il a renvoyé les 3 % aux calendes grecques, en les déplaçant à 2029. Avec un soupçon de bon sens, peut-être ? Ou tout simplement l’aveu que les grandes déclarations de rigueur budgétaire sont à chaque fois balayées par la machine infernale de la dépense publique et des promesses politiques.
Alors, à défaut d’équilibre budgétaire, on trouvera un peu de réconfort dans les prochains débats parlementaires. Pas de doute, le gouvernement fera tout pour faire passer ce budget en forçant la main, 49.3 à la clé si nécessaire. Quant aux 3 %, ils resteront là, spectateurs silencieux d’une farce budgétaire qui n’en finit jamais.