Un mois après que le Royaume-Uni a tiré le rideau sur sa dernière centrale au charbon, une inquiétante réalité s’impose. Ce geste n’est que poudre aux yeux. Tandis que les responsables européens font leur petit pas de danse « vert », la machine charbonnière mondiale, elle, tourne à plein régime. En fait, la production de charbon n’a jamais été aussi intense qu’en 2024.
Alors que la COP29 démarre aujourd’hui en Azerbaïdjan, avec son cortège de discours inspirants sur un avenir « durable », voilà qu’on apprend que la capacité mondiale des centrales au charbon est passée de 1 910 GW en 2015 à 2 126 GW. On croyait avoir signé un pacte mondial en 2015 ? La planète, apparemment, n’a pas reçu le mémo. Pas de quoi décourager les géants du secteur, bien au contraire. L’Inde, par exemple, qui prépare ses mines comme un sportif son marathon, pourrait bientôt produire 1,2 milliard de tonnes de charbon par an avec sa société publique Coal India. Le charbon, on le ferme d’un côté, on l’ouvre de l’autre.
Plus de 286 entreprises ont déjà leurs plans de centrales charbon ficelés. C’est une capacité de 579 GW supplémentaires qui est prévue, soit l’équivalent de 27 % de la production actuelle. C’est bien simple, la Chine et l’Inde sont devenues les rois du charbon. La première ajoute 392 GW comme si de rien n’était, et la seconde prévoit de rajouter 92 GW. « Mais attendez, les renouvelables deviennent pourtant plus rentables que le charbon en Chine ! » crie un optimiste en bout de table. Oui, mais la Chine aime avoir le choix, alors elle prévoit de charbonner comme jamais. Et qui mène la charge ? La China Energy Investment Group, décidée à empiler 44 GW de plus pour ajouter à ses 209 GW actuels.
Banques : l’argent plus vert que jamais
Et parlons-en des banques, nos institutions financières si soucieuses d’un avenir sans carbone. Les mêmes qui font des campagnes de pub « climatiquement responsables » se montrent, en réalité, sacrément généreuses avec le charbon. La Bank of America, championne toutes catégories, a même augmenté ses financements charbon de 30 % depuis 2016. La Royal Bank of Canada suit de près avec +27 %. Visiblement, les milliards de tonnes de CO₂ n’ont pas de goût amer pour tout le monde.
2024, l’année de la détox… au charbon
Selon les estimations de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), l’humanité aura brûlé environ 8,7 milliards de tonnes de charbon cette année. C’est 10 % de plus qu’en 2014. Pas mal pour une société qui, officiellement, se rêve en modèle de sobriété carbone. Finalement, on dirait que les vrais grands décideurs de notre transition énergétique ne sont ni à Bruxelles ni à l’ONU, mais bien dans les mines et les centrales à charbon.
Le « modèle européen » de la fermeture
Alors que Londres et Berlin se félicitent de fermer des centrales, l’Europe semble surtout s’illustrer par sa tendance à ignorer ce qui se passe dans le reste du monde. Certes, on ferme quelques centrales par-ci par-là pour sauver la face, mais les camions-citernes de charbon continuent de traverser les frontières. En France, le gouvernement a prolongé l’existence de ses centrales jusqu’à la fin 2023. Il semble qu’on ne soit pas tout à fait prêts pour une Europe complètement verte – du moins pas encore.