Il fut un temps où Northvolt était le champion autoproclamé de la batterie « Made in Europe ». Une start-up pleine de promesses, portée par deux anciens de Tesla, Peter Carlsson et Paolo Cerruti, qui juraient de révolutionner l’industrie en terrassant les mastodontes asiatiques et américains. Six ans plus tard, le géant aux pieds d’argile vient de s’effondrer sous le poids de ses propres rêves. Faillite sous le chapitre 11, dette abyssale, PDG qui fuit le navire. Une débâcle en règle, digne d’un scénario hollywoodien.
Northvolt. La start-up chérie de l’Europe, adoubée par les gouvernements et courtisée par les investisseurs. On se souvient encore de ses levées de fonds stratosphériques — 5 milliards de dollars ici, quelques subventions allemandes par-là, un partenariat avec Volkswagen pour la cerise sur le gâteau. Les belles promesses s’accumulaient. Des usines par dizaines, des emplois à la pelle, une chaîne de valeur soi-disant « maîtrisée de A à Z ».
Mais il y avait un problème. Northvolt n’avait pas vraiment de quoi livrer la marchandise. La batterie électrique de demain ? Elle attendra. La production ? Retards sur retards. Les coûts ? Hors de contrôle. La concurrence ? Pas du genre à laisser une start-up suédoise marcher sur ses plates-bandes. Pendant que CATL et BYD écrasaient le marché, Northvolt, lui, construisait des châteaux en Scandinavie.
2024 aura donc été l’année du grand désenchantement. Entre restructurations, suppressions de postes et annulations de projets, Northvolt s’est vidé de sa substance plus vite qu’une batterie en fin de vie. Même BMW, un investisseur historique, a jeté l’éponge en annulant un contrat de 2 milliards d’euros. Le message était clair. Le « champion européen » n’était qu’un mirage. Et que dire de cette stratégie absurde de tout faire à la fois ? Extraction des matières premières, production, recyclage… Northvolt voulait être partout, tout le temps. Résultat, il n’a été nulle part.
L’heure des comptes
Aujourd’hui, Northvolt se retrouve à quémander quelques millions pour tenir jusqu’à 2025. Scania, le constructeur de poids lourds, a généreusement ouvert son portefeuille pour sauver les apparences, tandis que les banques font la moue et que le Canada, pourtant si enthousiaste au départ, tourne le dos à son usine au Québec.
Et Peter Carlsson, le grand capitaine du navire ? Il démissionne en expliquant que tout ça, c’est pour « donner une nouvelle impulsion à l’entreprise ». Traduction : il saute par-dessus bord avant que le bateau ne coule pour de bon.
Une leçon pour l’Europe
Northvolt, c’était plus qu’une entreprise. C’était un symbole de la lutte pour l’indépendance énergétique de l’Europe. Mais au lieu de bâtir sur des fondations solides, on a misé sur des promesses grandiloquentes et des investissements frénétiques. Et pendant que l’Europe rêvait, la réalité lui a brutalement rappelé que l’industrie des batteries est un terrain où seuls les meilleurs survivent.
Alors oui, Northvolt espère encore se « restructurer ». Mais soyons honnêtes. Le rêve européen vient de prendre une sacrée décharge. Quant au reste du monde, il observe, amusé, cette chronique d’une ambition européenne qui a viré au grotesque.