La justice française… Cette institution sacrée, porteuse de grandes promesses, mais aussi experte en funambulisme. On l’imagine austère, sévère, drapée de noir et de gravité. En réalité, elle s’apparente de plus en plus à un jongleur distrait, lançant lois et procédures en l’air, au risque de les laisser retomber sur la tête des citoyens médusés. Cette semaine encore, l’institution a offert deux numéros d’anthologie. Le mandat de dépôt différé de Pierre Palmade et les passe-passe financiers de Bruno Le Maire.
Pierre Palmade, condamné à cinq ans de prison dont deux fermes, ne dort pas encore derrière les barreaux. Pas tout de suite, du moins. Le tribunal correctionnel de Melun a prononcé un mandat de dépôt différé avec exécution provisoire. Une phrase qui, pour le commun des mortels, sonne comme un charabia abscons, mais qui, dans le langage judiciaire, signifie simplement : « Il ira en prison… enfin, peut-être… dans quelques mois… ou jamais, qui sait ? »
Un mandat de dépôt « différé », c’est comme une invitation à un bal. Ça ne veut pas dire qu’on y dansera, juste qu’on pourrait, si le parquet daigne un jour envoyer l’orchestre. Et si le parquet décide de poser sa clarinette, rien n’y fera. Pas même Palmade lui-même s’il venait tambouriner aux portes de la Santé avec son oreiller sous le bras.
Pourquoi ? Parce que dans notre théâtre judiciaire, c’est le parquet qui a la baguette magique. Pas la police, pas le tribunal, pas même la bonne conscience collective. Si le procureur ne bouge pas, Palmade pourra continuer à écrire des sketchs en toute liberté, peut-être même un sur les joies d’avoir un bracelet électronique. Timing parfait, d’ailleurs. Sa peine ferme est pile de deux ans, le seuil magique qui permet d’échanger les murs d’une cellule contre les murs de son salon. Jérôme Cahuzac peut le confirmera, avec un sourire nostalgique.
Bruno Le Maire, magicien des milliards disparus
Et pendant que Pierre Palmade attend son sort, Bruno Le Maire, lui, ne semble attendre personne. Il assume, dit-il, avec un sérieux presque émouvant, les 1 100 milliards d’euros de dette accumulés sous son règne. Assumer, dans ce cas précis, c’est un peu comme lever la main en classe en avouant qu’on a cassé la fenêtre, mais en ajoutant : « C’est pas grave, non ? »
Parmi ces milliards, 420 sont censés avoir servi à gérer la crise Covid. Sauf qu’à en croire la commission parlementaire, ces milliards semblent s’être évaporés. Pas d’hôpitaux flambant neufs, pas de stocks stratégiques de masques, pas même une prime pour les soignants. Rien. Juste un énorme trou noir financier que Bruno contemple, stoïque, comme s’il admirait une œuvre d’art contemporaine.
Et la justice dans tout ça ? Rien à signaler. Parce qu’il est bien connu qu’en France, détourner un paquet de BN dans un supermarché peut vous valoir un tour au tribunal, mais faire disparaître quelques centaines de milliards, c’est juste la rançon de la gloire. Une commission d’enquête par-ci, une déclaration contrite par-là, et hop, on passe à autre chose.
Quand les puissants jonglent, les citoyens trinquent
Ces deux affaires, bien qu’a priori distinctes, racontent en creux la même histoire. Celle d’un système où les puissants dansent sur les failles de la loi pendant que les citoyens se sentent écrasés par son poids.
Pierre Palmade, avec son accident tragique, incarne la douleur crue et l’exaspération des victimes, voyant les rouages juridiques tourner au ralenti. Quant à Bruno Le Maire, il symbolise l’impunité des élites, capables de vider les caisses sans jamais risquer autre chose qu’un froncement de sourcil médiatique.
Et le pire, c’est que ce spectacle finit par devenir banal. Les Français, habitués à voir les mêmes numéros se répéter, oscillent entre résignation et cynisme. Ils savent que justice et équité sont comme les licornes. Jolies sur le papier, introuvables dans la réalité.
Alors que conclure ? Que Pierre Palmade finira peut-être en prison mais pas trop vite, et que Bruno Le Maire continuera à nous expliquer que « tout va très bien, Madame la Marquise » ? Probablement.