Après des années passées dans l’ombre, à manœuvrer en coulisses ou à attendre son tour, François Bayrou semble enfin toucher à ce qui pourrait être son Graal : le poste de Premier ministre. Mais cet aboutissement, fruit d’une longue carrière marquée par une persévérance sans faille, pourrait s’avérer aussi éphémère qu’incertain.
Ce n’est un secret pour personne. Le poste de Premier ministre dans le contexte actuel ressemble à une patate chaude. Et, à en croire les rumeurs des allées du pouvoir, plusieurs candidats pressentis, dont Jean-Yves Le Drian, auraient poliment décliné l’offre. Mais alors, pourquoi François Bayrou ? Parce que, faute de grives, on mange des merles.
François Bayrou a toujours cultivé une image de centrisme à toute épreuve. Mais ce positionnement, qualifié par certains de « centre mou », suffira-t-il à réunir une majorité d’opinion autour de lui dans un contexte aussi polarisé ? Rien n’est moins sûr.
À 72 ans, celui que beaucoup voyaient comme un « éternel second » de la politique française est enfin propulsé sous les feux de la rampe. Pourtant, ce qui pourrait ressembler à une reconnaissance ultime de sa carrière s’apparente également à une mission à haut risque. L’économie est en berne, le climat social tendu, et l’Europe, ce projet qu’il chérit, est de plus en plus contestée par une frange croissante de la population française.
Le Président de la République a nommé M. François Bayrou Premier ministre, et l’a chargé de former un gouvernement.
— Élysée (@Elysee) December 13, 2024
Pour ne rien arranger, François Bayrou traîne ses propres casseroles. N’était-ce pas lui qui, il y a quelques années, qualifiait Emmanuel Macron d’« hologramme, derrière lequel la finance prend le pouvoir » ? Ces paroles, comme celles d’autres figures aujourd’hui dans l’orbite présidentielle, résonnent aujourd’hui comme une cruelle ironie.
Le nouveau locataire de Matignon n’est pas le seul à avoir dû ravaler son amour-propre pour se mettre au service d’un président qu’il avait violemment critiqué. Il rejoint ainsi une liste prestigieuse de repentis, tels que Gérald Darmanin, qui voyait en Emmanuel Macron « le poison définitif d’un pays malade » ; Édouard Philippe, qui l’accusait de promettre tout et de n’assumer rien ; ou encore Bruno Le Maire, qui résumait le chef de l’État à « de la soupe ».
Ces retournements de veste, s’ils sont monnaie courante dans la politique moderne, rappellent toutefois la brutalité du jeu de pouvoir à l’Élysée. Ces anciens opposants, devenus fidèles soldats, ont tous dû avaler leur fierté, pour ne pas dire leur dignité, dans ce que certains décrivent comme une véritable perversion politique.
Félicitations à François Bayrou dont je connais les qualités et l’engagement au service des Français.
— Michel Barnier (@MichelBarnier) December 13, 2024
Dans cette période grave pour la France et pour l’Europe, tous mes vœux personnels et amicaux pour son action à la tête du gouvernement.
La véritable question est : combien de temps Bayrou pourra-t-il rester en place ? Le poste de Premier ministre est souvent ingrat, mais il l’est encore plus sous Emmanuel Macron, qui règne en maître des horloges et des stratégies. Chaque allié, aussi puissant soit-il, est une pièce interchangeable dans la mécanique élyséenne.
Pour François Bayrou, ce rêve devenu réalité pourrait bien virer au cauchemar. Il devient Premier ministre dans une conjoncture chaotique, face à une opinion publique sceptique et une classe politique divisée. L’adage selon lequel « l’amour-propre ne reste jamais très longtemps » pourrait bien s’appliquer une fois de plus. Comme tant d’autres avant lui, François Bayrou pourrait finir par n’être qu’un « Kleenex » dans la grande machine du pouvoir présidentiel.