La COP28 s’ouvre ce jeudi et se tiendra jusqu’au 12 décembre à Dubaï, aux Emirats arabes unis. Depuis plusieurs années déjà, la sortie des énergies des fossiles est un sujet qui monte aux COP. Et pour cause : dans un contexte où les émissions mondiales de gaz à effet de serre continuent de croître, la sortie des fossiles est au cœur de la bataille.
La COP des fossiles ». La 28e conférence des Parties sur les changements climatiques, qui s’ouvre ce jeudi et se tiendra jusqu’au 12 décembre, évitera difficilement ce surnom tant les énergies fossiles (charbon, gaz naturel et pétrole) seront au cœur des négociations. Son pays hôte met d’emblée les deux pieds dedans. Car cette COP28 se déroule à Dubaï, aux Émirats arabes unis (EAU), septième plus grand producteur mondial de pétrole et 14e pour le gaz naturel.
En accueillant cette COP, les EAU en assurent la présidence. Un rôle majeur puisque c’est au président de la COP de faciliter les travaux et les débats, en amont et pendant la conférence, pour aboutir à un accord final le plus ambitieux possible. Alors que cette fonction revient généralement aux ministres de l’Environnement du pays hôte, les Émirats arabes unis ont choisi Sultan Ahmed al-Jaber. Un homme multi casquettes, à la fois ministre de l’Industrie mais aussi PDG de l’Abu Dhabi National Oil Compagny (ADNOC), la compagnie nationale pétrolière émiratie. De quoi susciter l’incrédulité des ONG et de nombreux experts pour le climat.
Mais à Dubaï ou ailleurs, les énergies fossiles auraient forcément été un sujet central de la COP28. Surtout à mesure que s’éloigne l’objectif de maintenir le réchauffement climatique sous les + 1,5 °C et même sous les +2 °C, comme s’étaient engagé la quasi-totalité des Etats du monde en adoptant l’Accord de Paris. Les Nations Unies ne cessent de rappeler les signaux inquiétants. Non seulement les émissions de gaz à effet de serre continuent de croître, mais la tendance n’est pas près de s’inverser, pointait l’agence mi-novembre. S’ils étaient tous appliqués, les engagements des États actés dans leurs contributions nationales déterminées (CDN) ne permettraient de réduire les émissions que de 2 % en 2030, quand le Giec estime nécessaire d’atteindre – 43 % à cette même échéance pour rester au plus près des 1,5 °C.
Au cœur de la bataille : les énergies fossiles. Électricité, chaleur, carburants… 48 % des émissions mondiales sont liées à leurs combustions pour produire de l’énergie. Or, l’essor des renouvelables n’y fait rien : la production mondiale de combustibles fossiles continue de croître pour répondre à une demande mondiale en énergie qui augmente.
La sortie des fossiles, le sujet qui monte aux COP
Tout de même, dessiner une trajectoire de sortie de ces fossiles est un sujet qui monte aux dernières COP. A Glasgow, en 2021, on n’avait jamais été aussi près de mentionner cet enjeu dans le texte final de la COP26. La version initiale « invitait les parties [les pays] à accélérer la suppression progressive du charbon et des subventions aux énergies fossiles ». Celle finalement adoptée a été amoindrie sous la pression de certains pays dont la Chine et l’Inde. Un an plus tard, à Charm-el-Cheikh, en Egypte, « une coalition de 80 pays – dont l’UE, des pays producteurs d’hydrocarbures comme le Canada et les Etats-Unis, mais aussi l’Inde -, proposait d’inclure dans le texte final le principe d’un abandon progressif de toutes les énergies fossiles », rappelle Lola Vallejo, directrice du programme climat de l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri).
Parviendra-t-on à Dubaï à dépasser ces blocages ? Arnaud Gilles, responsable Climat Energie au WWF France, voit des signaux encourageants. La pression en ce sens de l’ONU, de la société civile, de la communauté scientifique est toujours aussi forte, commence-t-il. « De nombreux pays ont fait de cette sortie des fossiles leur priorité pour la COP28 », ajoute-t-il. C’est notamment le cas de l’UE, qui a publié mi-octobre la position qu’elle portera à Dubaï. Elle défendra ainsi « l’élimination des énergies fossiles brûlées sans captage du CO2 », avec un pic de leur consommation mondiale dès « cette décennie ».
A quel jeu joue Al-Jaber ?
Trop timoré ? Nous y reviendrons. Ce qui compte aussi, c’est l’état d’esprit dans lequel les pays producteurs d’hydrocarbures se présenteront à Dubaï. Là encore, Arnaud Gilles voit des signes encourageants. Il y aurait même du positif à ce que cette COP28 se déroule à Dubaï. « Depuis début 2023, le dialogue s’est nettement renforcé entre pays producteurs de fossiles et pays consommateurs, observe-t-il, en estimant que l’accueil glacial de sa nomination a sans doute poussé Al-Jaber a se démener en ce sens. Lola Vallejo voit aussi une évolution entre les discours de début d’année du président de la COP, « très aligné avec les positions des pays producteurs d’hydrocarbures » et ses dernières lettres envoyées aux parties [aux 197 pays qui participeront à la COP28] ». « Dans celle de juillet, par exemple, il écrit que réduire la production de fossile est essentiel et inévitable », illustre-t-elle.
Étonnant de la part d’un responsable émirati, encore plus PDG de la compagnie pétrolière nationale ? C’est tout le problème des COP, où il faut souvent lire entre les lignes. « Il ne mentionne aucune date et parle de réduire et non pas de sortir, signale la directrice du programme climat de l’Iddri. Ça peut très bien être une position de façade, une manière de se dédouaner si jamais la COP28 n’aboutit à aucune avancée sur les fossiles. »
« Unabated », un terme explosif
Les cartes finiront bien par tomber à Dubaï. Un terme fait déjà craindre d’âpres batailles. Celui d’« unabated », Plusieurs procédés technologiques cherchent aujourd’hui à capter les émissions de CO2 émises lors de la production et l’utilisation des combustibles fossiles – à la sortie des cheminées d’usine ou des pots d’échappement notamment – pour ensuite les stocker. On parle de CCS (carbon capture and storage en anglais). Une aubaine pour les producteurs d’hydrocarbures, qui poussent pour que la sortie des fossiles ne concerne que les « unabated », c’est-à-dire ceux non pourvus de dispositifs de CCS. « Depuis des décennies, on nous promet monts et merveilles avec ces technologies, mais on ne voit toujours rien venir », rétorque Arnaud Gilles. Dans son dernier rapport mi-septembre, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) a revu à la baisse le rôle que pourraient jouer les CCS dans la transition énergétique, en raison de progrès insuffisants réalisés ces dernières années.
Une balle saisie au rebond par l’UE. Si elle ne fixe pas de date de sortie des énergies fossiles et ne cible que les « énergies fossiles brûlés sans captage du CO2 », la ministre espagnole Teresa Ribera, dont le pays assure la présidence tournante, précisait mi-octobre que les CCS devront être réservées aux secteurs les plus difficiles à décarboner. Notamment dans l’industrie mais pas dans la production énergie, le principal secteur émetteur de gaz à effet de serre à l’échelle mondiale. Et « l’objectif à long terme reste que les fossiles soient progressivement éliminés du mix énergétique », insistait elle.