Abdoullakh Anzorov n’était ni un héros ni une victime, mais un produit déformé, issu d’un cocktail toxique de frustration personnelle et de propagande jihadiste. Le 16 octobre 2020, cet individu, dont l’idéologie s’était nourrie de la haine et du mensonge, s’est rendu coupable de l’un des meurtres les plus odieux de l’histoire récente de la France, en assassinant Samuel Paty, un enseignant, simplement pour avoir exercé son droit de diffuser la pensée et la liberté d’expression.
Ce qui est le plus effrayant dans ce crime, ce n’est pas uniquement la barbarie de l’acte, mais la trajectoire sordide qui y a mené. Un jeune homme de 18 ans, sans doute en quête de sens ou, plus probablement, d’attention, qui s’en remet à un groupe terroriste syrien pour définir ce qui est « juste ». Une quête de validation qui n’a trouvé sa réponse que dans la folie meurtrière. Et ce groupe, ce n’est pas n’importe quel groupe, il s’agit de Hayat Tahrir al-Sham (HTS), un groupe islamiste qui, de la Syrie, inonde le monde de sa propagande de mort. Un groupe qui, grâce aux réseaux sociaux, parvient à convaincre de jeunes esprits dérangés qu’il existe une « cause » à défendre.
Abdoullakh Anzorov n’était pas un cas isolé ; il était l’un des milliers de jeunes perdus dans la matrice numérique des idéologies extrémistes. Les plateformes sociales, telles que Snapchat ou Instagram, ont été, et continuent d’être, des terrains fertiles pour la radicalisation. Ces espaces virtuels où l’on échange des photos, des messages et des vidéos se sont transformés en terrains de recrutement pour les plus extrémistes. Et Anzorov n’a pas fait exception. Il a trouvé sa place dans un réseau de haine et de manipulation, où des personnages comme Faruq Shami, un propagandiste de HTS, ont joué un rôle crucial. Non seulement Shami a soutenu l’acte de violence, mais il a aussi entretenu une relation régulière avec Anzorov, tout en œuvrant en coulisses pour façonner une vision déformée du monde, où l’assassinat devient un moyen d’atteindre une « gloire » en apparence divine.
Cette chronique n’est pas un plaidoyer pour comprendre le « pourquoi » de son acte. Il n’y a aucune excuse, aucun argument valable pour justifier un meurtre aussi abject. Non, ce que l’on doit interroger ici, c’est la manière dont Abdoullakh Anzorov a été préparé, forgé, et utilisé comme un pion dans une guerre idéologique qui dépasse les frontières. Au-delà de son geste, il y a un système, un réseau, une machine bien huilée, qui transforme des jeunes en instruments de terreur. Et il faut bien le dire : ces machines se nourrissent des failles du système. Failles qu’elles exploitent avec une habileté diabolique.
Il est facile de se concentrer sur l’individu et de l’isoler comme un cas particulier. Mais cela reviendrait à ignorer l’océan dans lequel il a évolué. Un océan où les algorithmes des plateformes sociales recommandent des contenus violents, où des groupes terroristes créent des communautés virtuelles pour manipuler les plus vulnérables. Anzorov, au fond, n’a pas agi seul. Il était un rouage dans un système bien plus vaste et insidieux.
La vérité dérangeante, c’est qu’il y en aura d’autres. D’autres jeunes, dans l’ombre numérique, chercheront à se faire un nom au nom de causes malfaisantes. Et puis les autorités continueront de regarder ailleurs, préoccupées par les apparences, et non par l’ampleur de cette radicalisation silencieuse qui se propage de manière insidieuse. Un assassinat n’est qu’un épisode dans cette tragédie plus vaste, et tant que les plateformes numériques continueront de jouer le rôle de catalyseur pour cette haine, il sera trop tard pour regretter le fruit pourri qu’elles ont engendré.