Il y a des procès qui donnent à la justice des airs de tragédie grecque, où la lâcheté humaine et l’idéologie crasse défilent comme des masques grotesques. Le procès qui s’ouvre à Paris, quatre ans après l’assassinat de Samuel Paty, est précisément l’une de ces tragédies modernes, un spectacle où la bêtise, la haine et l’obscurantisme se disputent le rôle principal.
Ne nous voilons pas la face. Les accusés ne sont pas simplement des « égarés » ou des « âmes perdues ». Derrière chaque geste de soutien actif ou passif à l’assassin d’un homme dont le seul crime fut d’enseigner la liberté d’expression, il y a un choix délibéré, une complaisance envers l’horreur, un refus de toute nuance.
Prenons Azim Epsirkhanov et Naïm Boudaoud, ces deux jeunes accusés de complicité d’assassinat. Deux silhouettes d’un scénario terrifiant où le fait d’accompagner Abdoullakh Anzorov dans ses préparatifs n’aurait été, selon eux, qu’une malencontreuse escapade. Azim Epsirkhanov, dans un rôle d’innocent mal avisé, aurait tenté de se procurer une arme. Mais voyons, qui pourrait croire, même avec la naïveté d’un enfant, que ces démarches ne portaient aucun mauvais dessein ? Le spectre de leur défense semble déjà prêt à s’effondrer sous le poids de son propre cynisme.
Et que dire de Brahim Chnina, ce père érigé en tribun des réseaux sociaux, vociférant des accusations hallucinantes contre un enseignant qu’il ne connaissait même pas ? Quelle ironie de voir ce personnage aujourd’hui dans le box des accusés, alors qu’il s’est voulu juge, bourreau et chroniqueur en chef d’une campagne de haine. Il ne s’est pas contenté de défendre l’honneur supposé de sa fille, non. Il a attisé les braises d’une hystérie collective avec l’énergie d’un propagandiste de bas étage. Ses vidéos, dégoulinantes de certitudes morales, ont circulé à la vitesse des flammes, et dans ce chaos médiatique, Chnina a lancé un défi à la raison. Un défi qu’il a manifestement gagné, puisque l’irréparable a suivi.
Et puis, il y a Abdelhakim Sefrioui, militant islamiste endurci, celui qui s’insurge aujourd’hui contre une « aberration judiciaire ». Pardon ? L’aberration, monsieur Sefrioui, c’est ce climat de haine que vous avez alimenté, avec votre verve et vos convictions toxiques, visant un professeur dont le seul tort a été de pratiquer son métier. Le militant crie à l’injustice, mais ce sont ses mots à lui, venimeux et irresponsables, qui ont agi comme des étincelles sur la toile. Se prétendre ignorant des intentions d’Anzorov, comme s’il était étranger à toute forme de conséquence, relève d’une hypocrisie si caricaturale qu’on en reste sidéré.
💬 "Que la justice se montre à la hauteur du crime qui a été commis"
— BFMTV (@BFMTV) November 4, 2024
Francis Szpiner, avocat du fils de Samuel Paty, aborde ses attentes à l'ouverture du procès de l'assassinat de l'enseignant pic.twitter.com/3moQN2DSYC
Enfin, un autre lot d’individus grotesques se tient à ce procès. Les jeunes fanatiques de forums en ligne, des apprentis guerriers virtuels, partageant des appels à la violence contre une France qu’ils jugent « islamophobe ». Priscilla Mangel et ses comparses sont l’incarnation des ravages de la radicalisation numérique. Ah, les réseaux sociaux, ce terrain de chasse parfait pour les idéologues fielleux et les influenceurs de la haine. La naïveté et l’ignorance sont ici des excuses trop commodes ; leur engagement à diffuser la terreur ne mérite ni indulgence ni pitié.
Ce procès devrait servir de miroir, mais c’est un miroir terrifiant. Les accusés montrent une France où l’engagement aveugle, l’endoctrinement idéologique et l’incapacité de discerner le bien du mal ont formé une chaîne de complicité qui a coûté la vie à un homme. Samuel Paty n’est pas mort à cause d’un accident des réseaux sociaux. Il a été victime d’un projet haineux, mûri par des esprits nourris de poison et désinhibés par une époque où la moindre calomnie peut devenir virale.
Qu’on ne vienne pas pleurnicher sur la « perte de liberté » si ce procès conduit à une régulation plus sévère de ces espaces numériques devenus des arènes de violence. Parce que la liberté n’a de valeur que lorsqu’elle respecte la vie et la dignité d’autrui. Et si certains en ont perdu la boussole, que la justice s’en charge, et qu’elle le fasse sans trembler.