C’est une page qui se tourne et un nouveau chapitre qui s’ouvre pour le Lutetia, ce palace légendaire niché sur la Rive gauche parisienne. Le Mandarin Oriental, icône de l’hôtellerie asiatique de luxe, prendra les rênes de cet établissement centenaire à partir de janvier prochain. Une annonce qui soulève autant d’enthousiasme que de questions dans le microcosme parisien haut de gamme.
Le Lutetia, ce n’est pas qu’un hôtel, c’est une mémoire vivante de Paris. Construit en 1910 pour accueillir fournisseurs et clients du Bon Marché, il a traversé les époques avec la gravité d’un monument qui a tout vu. Des jours sombres de l’Occupation, lorsqu’il servait de quartier général aux services de renseignement allemands, aux heures lumineuses de la Libération, où il accueillait les rescapés des camps.
Rénové avec audace et minutie par Jean-Michel Wilmotte entre 2014 et 2018, le Lutetia est revenu au-devant de la scène avec son statut de Palace en 2019, après des investissements colossaux (200 millions d’euros).
Pourquoi Paris, et pourquoi maintenant ? Laurent Kleitman, directeur général du Mandarin Oriental, est catégorique :
Paris brille comme jamais. Avec les Jeux olympiques et la renaissance de Notre-Dame, la ville exerce une attraction unique sur le monde.
Mais ce choix va bien au-delà de l’opportunité du moment. En s’installant au Lutetia, le groupe asiatique mise sur une alliance des contraires. Le charme intemporel du patrimoine parisien et la modernité zen de son ADN asiatique. Le rebaptiser Mandarin Oriental Lutetia n’est pas une simple opération marketing, c’est un manifeste ; marier deux mondes pour séduire une clientèle internationale toujours plus exigeante.
Le défi du passé et du futur
Cependant, une question demeure : jusqu’où peut-on moderniser sans trahir ? Le Mandarin Oriental devra jongler entre respect de l’âme du Lutetia et l’introduction de sa propre signature. Une tâche délicate dans une ville où chaque pierre est une part d’histoire et où l’attachement au patrimoine frôle parfois la jalousie.
Les habitués du Lutetia verront-ils ce changement comme une promesse d’élévation ou une rupture de style ? L’ombre de Marguerite Boucicaut, fondatrice du Bon Marché et instigatrice de ce lieu mythique, plane encore sur le boulevard Raspail.
Un regard tourné vers l’avenir
Si le pari est risqué, il est également porteur d’une ambition rare ; faire du Lutetia non seulement un hôtel, mais une expérience totale, où l’histoire parisienne s’écrit avec des accents venus de Hong Kong.
Ce mariage inattendu entre le chic intemporel de Saint-Germain-des-Prés et le luxe cosmopolite du Mandarin Oriental promet de redéfinir les standards. Et peut-être, avec un peu de magie, de réinventer le concept même du palace à la française, qui sait ?