L’ancien ministre de l’Économie se lave les mains du dérapage budgétaire comme un chef… en Suisse.
Il y a des métiers où l’on ne garde pas longtemps son poste si l’on évite la responsabilité. Heureusement pour Bruno Le Maire, la politique en fait rarement partie. Voilà l’ancien ministre de l’Économie en France, aujourd’hui paisible professeur à Lausanne, qui revient dans l’arène médiatique. Sa mission ? Nous convaincre que le déficit public, qui grimpe aujourd’hui à 6,1 % du PIB, est entièrement le « choix du gouvernement actuel » et qu’il n’y est pour rien. Le ministre, avec plus de sept ans passés à Bercy, jure la main sur le cœur que ce dérapage n’a rien à voir avec lui et que son bilan est resté aussi propre qu’un costume fraîchement repassé.
Jeudi, devant la commission des Finances du Sénat, Bruno Le Maire a offert une grande leçon de détachement ministériel. Son message était clair. Si le déficit atteint les 6,1 % en 2024, c’est uniquement la faute de l’équipe en place. Lui, de son côté, aurait pu maintenir un déficit de 5,5 % – peut-être même de 5,499 % si on le laisse rêver un peu. Il aurait appliqué de rigoureuses « mesures de redressement », bien sûr, mais tout ça est derrière lui maintenant. M. Le Maire est passé à autre chose, tout comme il nous invite à le faire.
Rappelons tout de même quelques faits gênants. Le projet de loi de finances initial présenté par le gouvernement en 2023 – alors qu’il dirigeait encore Bercy – estimait le déficit à 4,4 %. Ce chiffre a été ensuite corrigé, d’abord à 5,1 %, une estimation que Le Maire semble avoir approuvée sans sourciller. Mais aujourd’hui, ce dernier refuse d’endosser la moindre responsabilité. La faute aux « erreurs d’évaluation des recettes », nous dit-il. C’est un peu comme blâmer le thermomètre pour la fièvre.
Bruno Le Maire a évoqué une « grave erreur technique » dans l’évaluation des recettes fiscales, qui auraient été surévaluées de… 41,5 milliards d’euros ! Rien que ça. Et selon lui, cette bourde est entièrement due aux spécialistes de Bercy, tandis que le ministre reste, bien entendu, au-dessus de tout ça. D’ailleurs, il l’affirme avec une assurance désarmante : la politique, dit-il, « ne se mêle pas de l’évaluation des recettes, parce que si le politique commençait à s’en mêler, on crierait à la manipulation ».
🔴🗣 »Dès fin 2023, @BrunoLeMaire savait que tout ça dérapait » affirme @C_deCourson, député LIOT de la Marne, à propos de la responsabilité de l’ancien ministre de l’économie et des finances, dans le déficit public du PIB. pic.twitter.com/WG91NbuQ0O
— franceinfo (@franceinfo) November 8, 2024
En somme, le ministre rassure les Français. Si des erreurs ont été faites, c’est la faute de ceux qui calculent, pas de celui qui décide. Par contre, quand le budget a eu l’air de bien se tenir, on n’a pas entendu Bruno Le Maire créditer le « technique ». Comme quoi, la reconnaissance fonctionne parfois à sens unique.
L’ancien ministre a également tenu à rappeler combien il a « résisté » aux sirènes des dépenses publiques. Figurez-vous qu’on lui demandait 400 milliards d’euros de plus, et il a héroïquement dit non, raconte-t-il. Des parlementaires de tous bords réclamaient ces milliards, mais lui, en chevalier blanc de la rigueur budgétaire, a tenu bon. Malheureusement, il n’a pas jugé bon de se rappeler les multiples aides et relances décidées sous son mandat, pour contrer des crises – certes réelles – mais sans doute aussi bonnes pour la popularité politique.
En fin de compte, Bruno Le Maire se lave les mains du déficit à venir, de la dette qui s’alourdit et du trou qui se creuse dans les finances publiques françaises. Les Français s’en rappelleront à l’occasion de la prochaine présidentielle française.