Le Monde. Ce monument de la presse française qui, à force de vouloir incarner la nuance, finit par trébucher sur sa propre vertu. Voilà donc que la vénérable institution est en proie à une crise interne. Et pourquoi ? Parce qu’au pays du journalisme éclairé, même la ligne éditoriale peut se transformer en champ de mines.
Le problème, chers lecteurs, c’est que le journal Le Monde, dans sa couverture du conflit israélo-palestinien, s’est mis à jouer au funambule. Un pied dans l’humanitaire, l’autre dans la géopolitique, le tout en équilibre instable sur un fil tendu entre ses idéaux de gauche et la réalité d’un lectorat aussi divisé que l’Assemblée nationale un jour de réforme des retraites.
Commençons par ce qui fait grincer des dents au sein de la rédaction : Benjamin Barthe, rédacteur en chef adjoint du service international, dont le mariage avec une activiste palestinienne fait couler plus d’encre que ses éditos. Et voilà que l’éthique journalistique se retrouve elle aussi prise dans les tirs croisés.
Les puristes de l’impartialité hurlent à la lune : « Comment ce monsieur peut-il diriger une couverture sans biais ? » Mais soyons sérieux deux secondes : le journalisme sans subjectivité, ça existe ? Même l’eau de Volvic a un goût.
Du côté éditorial, c’est un déluge d’articles sur les souffrances des Palestiniens, ce qui, il faut bien l’avouer, n’a rien de choquant. Des civils meurent sous les bombes ; il paraît logique de le dire. Mais attention, mettre trop l’accent sur Gaza, c’est risquer de froisser le camp d’en face. Certains journalistes accusent Le Monde de faire preuve d’un « parti pris implicite contre Israël ». Implicite ? Pas si sûr.
Car voyez-vous, dans la jungle médiatique, il faut doser. Pour un article sur les enfants palestiniens qui périssent, il faut en faire un autre sur les menaces du Hamas. Le journalisme, aujourd’hui, c’est un buffet équilibré. Un peu de souffrance humaine, une pincée de géopolitique, et surtout, pas trop de sel pour éviter de froisser les estomacs sensibles.
Mais derrière ces grandes querelles se cache une réalité bien plus terre-à-terre : les chiffres. Oui, Le Monde veut rester fidèle à ses idéaux, mais pas au point de se fâcher avec son lectorat conservateur, qui commence à trouver refuge chez des médias moins « idéologiques ». Après tout, quand le modèle économique dépend des abonnements, mieux vaut ne pas trop secouer la marmite.
Et puis il y a cette montée des médias alternatifs, toujours prêts à brandir le flambeau de l’impartialité qu’ils prétendent incarner. Eux au moins, disent-ils, ne se noient pas dans des récits à sens unique. On en rit encore.
Au final, ce qui se joue au Monde, ce n’est pas seulement une guerre idéologique. C’est une guerre des perceptions, où chaque article devient une déclaration d’intention, où chaque mot pèse son poids de polémiques. Alors, faut-il pleurer sur cette rédaction divisée ? Ou au contraire se réjouir de voir que le journalisme peut encore provoquer de tels débats ?
Une chose est sûre, dans cette histoire, tout le monde a un peu raison et beaucoup tort. Mais c’est peut-être ça, le charme du journalisme français : une éternelle bataille entre la quête de vérité et l’art de ne fâcher personne.