En visite ce mardi à l’école publique parisienne Littré d’où elle avait retiré son fils aîné pour le mettre dans le privé, la ministre de l’Éducation et des Sports, a présenté ses excuses. Chapitre clos.
La ministre, visage fermé – nous pouvons le comprendre – est arrivée aux alentours de 11h45 ce matin avant de pénétrer sans un mot dans l’établissement scolaire situé dans une rue étroite du VIe arrondissement de Paris. Elle a été accueillie par le concert habituel des sifflets et autres casseroles par une trentaine de manifestants « pour la défense de l’école publique » qui scandaient : « De l’argent public pour l’école publique ». « Fais comme tes enfants, retourne dans le privé », lui a lancé un des manifestants à son arrivée.
À sa sortie, une heure plus tard, la ministre a dit avoir présenté ses excuses et souligné qu’elle « devait » ces « excuses » pour avoir « blessé » les enseignants et qu’elle « regrettait de les avoir cités nommément » devant la presse lorsqu’elle avait évoqué, vendredi dernier, les « paquets d’heures » « pas sérieusement remplacées » dans le public. Est-ce faux ?
De sincères « regrets »
L’entourage de Mme Oudéa-Castéra avait, lundi soir, annoncé cette visite « pour aller à la rencontre des professeurs et l’équipe dirigeante de l’établissement, et échanger avec eux ». Nommée jeudi à la tête d’un super ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse, des Sports et des JO, la ministre est, malgré elle, embourbée dans une polémique depuis des propos tenus vendredi à l’issue d’un déplacement avec le Premier ministre Gabriel Attal dont le gouvernement affronte sa première tempête.
Tant son choix d’inscrire ses trois fils à l’école Stanislas, prestigieux établissement privé de la capitale, que ses motivations déclarées, à savoir « des paquets d’heures pas sérieusement remplacées » dans le public, ont provoqué un tollé.
La ministre a tenté de faire machine arrière en disant « regretter » d’avoir « pu blesser certains enseignants » mais la controverse continue, évidemment, d’être alimentée par les syndicats enseignants tout comme par la gauche et l’extrême droite qui l’accusent d’avoir menti sur ses motivations et réclament sa démission.
Polémique Amélie Oudéa-Castéra : "Je n'aurais pas dû me laisser entraîner sur le terrain de ma vie privée, ni me sentir obligée de me justifier", dit @AOC1978. "Je n'aurais pas dû non plus exposer l'école Littré", ajoute-t-elle, appelant désormais à avancer.#QAG pic.twitter.com/Jk0v4dKyL6
— LCP (@LCP) January 16, 2024
Des « Excuses publiques »
Elle a « du plomb dans l’aile », a ainsi estimé ce mardi le chef de file des députés PS, Boris Vallaud, alors que son homologue LFI, « l’élégante » Mathilde Panot, a braillé « qu’elle ne peut plus rester à son poste ». « Elle a, avant même de commencer, perdu la confiance non seulement des enseignants mais aussi des parents d’élèves. C’est extrêmement ennuyeux de commencer un portefeuille ministériel de la sorte, surtout quand il était déjà difficile de l’assumer avec la superposition du ministère de l’Éducation nationale et du ministère des Sports dans une année olympique », a estimé M. Vallaud.
La nouvelle ministre de l’Éducation nationale Amélie Oudéa-Castéra rencontrait ce lundi les syndicats enseignants. Une réunion qui a tourné court en pleine polémique sur le choix autour de la scolarisation de ses enfants dans le privé
Le communiste Fabien Roussel a demandé « qu’elle présente des excuses publiques à l’ensemble de la profession ». « Elle les a méprisés. Qu’elle s’excuse (et) qu’elle s’engage justement à ce que rapidement, il n’y ait plus aucun prof qui ne soit pas remplacé », a-t-il déclaré sur RTL.
Une plainte en diffamation
Le Syndicat national des agents publics de l’Éducation nationale (Snapen) a déposé plainte mardi devant la cour de justice de la République (CJR) – seule juridiction habilitée à poursuivre et juger des membres du gouvernement pour des infractions commises dans l’exercice de leurs fonctions – contre la ministre de l’Éducation Amélie Oudéa-Castéra, visant les propos qu’elle a tenus pour justifier la scolarisation de ses enfants dans le privé.
Cette plainte « vise à sanctionner ces propos qui touchent la réputation des agents en décrédibilisant l’enseignement public et, plus généralement, à imposer le respect dû par les plus hautes administrations à ces derniers », a commenté Gérard Lenfant, président du Snapen, un syndicat qui se présente comme « apolitique », ouvert à « tous les personnels du ministère de l’Éducation nationale présents sur le terrain dans les académies de Toulouse et Montpellier ».
Les plaintes adressées à la CJR sont filtrées par une commission des requêtes, qui peut les classer ou les transmettre à une commission d’instruction. À l’issue de l’instruction, cette commission prononce un non-lieu ou un renvoi en procès.