L’organisation de ce travail d’ampleur sera précisée par le comité de pilotage indépendant des États généraux, lors d’une conférence de presse à 11h30 à Paris.
Fausses infos, mainmise des milliardaires, révolutions technologiques, défiance envers les journalistes… Les États généraux de l’information sont lancés ce mardi 3 octobre au matin, pour tenter de fixer des «règles du jeu» dans un univers médiatique en plein bouleversement. L’organisation de ce vaste chantier sera précisée par le comité de pilotage indépendant des États généraux, lors d’une conférence de presse à 11h30 à Paris.
Ces États généraux étaient une promesse de campagne d’Emmanuel Macron en 2022. Longtemps attendue, leur tenue a été annoncée par l’Élysée mi-juillet. «Le but, c’est d’aboutir à un plan d’action» pour «garantir le droit à l’information à l’heure numérique», explique Christophe Deloire, délégué général de ce comité présidé par Bruno Lasserre (de la Cada, Commission d’accès aux documents administratifs). Cela pourra passer par des mesures «législatives, fiscales, budgétaires», avec peut-être une modification de la loi de 1986 qui régit l’audiovisuel.
Mais les États généraux devraient aussi aboutir à des «recommandations» au secteur des médias, selon Christophe Deloire, par ailleurs secrétaire général de Reporters sans frontières (RSF). Organisés par groupes de travail, les États généraux débuteront par «une phase de diagnostic jusqu’à la fin de l’année», avant «les propositions». Ils s’achèveront «en mai-juin» 2024. «Le périmètre est très large: de la qualité de l’information au financement du journalisme jusqu’aux réseaux sociaux et à l’intelligence artificielle, en passant par beaucoup d’autres choses», note Christophe Deloire.
«Une vue globale»
Selon lui, l’ampleur de ce périmètre «peut être un facteur de complexité mais aussi un immense avantage», car «les bouleversements de l’espace informationnel sont tels qu’on ne les réglera pas petit bout par petit bout». «Les États généraux sont lancés pour avoir une vue globale» et «pour fixer des règles du jeu communes, parce que cet espace informationnel est un bien commun», fait-il valoir.
Parmi les thèmes abordés, la qualité de l’information tiendra une place centrale, à l’heure où les réseaux sociaux rebattent les cartes chez les jeunes. Selon le baromètre Kantar-La Croix publié en janvier, ces plateformes sont la deuxième source d’information des Français de 18 à 24 ans, derrière les journaux télévisés. Avec les risques de désinformation qui vont de pair.
Autre sujet d’ampleur, la concentration de nombreux médias français entre les mains de grands groupes privés et de quelques milliardaires. Cela a fait l’objet d’une commission d’enquête sénatoriale en 2022. Au-delà des implications économiques, cette concentration pose la question brûlante de l’indépendance: comment garantir que les propriétaires de médias n’influent pas sur leur ligne éditoriale ?
La question a resurgi cet été avec la grève au JDD (Journal du dimanche), dont la rédaction s’est opposée en vain à l’arrivée comme directeur du journaliste Geoffroy Lejeune. Beaucoup y ont vu la main du milliardaire ultra-conservateur Vincent Bolloré, dont le groupe Vivendi est en passe d’avaler Lagardère, propriétaire du JDD. Lagardère s’en est défendu. «Ce serait une erreur de penser que les États généraux sont une réponse à Bolloré, c’est beaucoup plus large», assure Christophe Deloire. Après la crise au JDD, plusieurs parlementaires ont proposé de conditionner les aides publiques des médias à des mécanismes d’indépendance éditoriale.
Également au menu, la protection des sources des journalistes. Ce thème d’actualité a été propulsé sur le devant de la scène par la récente garde à vue de la journaliste Ariane Lavrilleux, après une enquête sur une mission de l’armée française en Égypte. Cela a indigné la profession et des rassemblements sont prévus mardi à 18h30 à Marseille ou Strasbourg. L’une des difficultés des États généraux est d’éviter d’en faire un événement corporatiste, qui n’intéressait que les journalistes. «On veut partir des citoyens, en allant leur parler là où ils sont», espère Christophe Deloire. Une tâche ardue, d’autant que la perte de confiance dans les médias est une tendance de fond des dernières années.