La démocratie, ce mot porteur de valeurs universelles, est de plus en plus souvent invoqué par des dirigeants du monde entier pour justifier des politiques et des régimes qui, de fait, n’ont plus grand-chose à voir avec le concept originel. Aujourd’hui, dans certains pays comme la Syrie, la Roumanie, ou même au sein de l’Union européenne, la démocratie est un terme vidé de son sens, utilisé parfois pour légitimer des actions autoritaires.
À l’origine, la démocratie, telle qu’elle a été pensée à Athènes au Ve siècle avant Jésus-Christ, reposait sur un principe simple mais audacieux. L’égalité des citoyens devant la loi et leur droit à participer directement aux affaires publiques. À cette époque, seuls les hommes libres avaient la possibilité de prendre part aux décisions politiques, un critère qui semble aujourd’hui totalement inacceptable, mais qui faisait partie du processus fondateur de ce que l’on appelle la démocratie.
La démocratie athénienne était, pour ainsi dire, une invitation au débat. Les citoyens se réunissaient dans des assemblées publiques, échangeaient leurs idées, votaient des lois, et exerçaient des fonctions publiques. Bien sûr, ces assemblées n’étaient pas exemptes de contradictions et d’injustices, mais elles représentaient l’idée que le peuple, ou du moins une partie de celui-ci, avait un pouvoir décisionnaire.
Aujourd’hui, la démocratie a pris plusieurs formes, selon qu’elle soit directe, participative ou représentative. Mais quel que soit le modèle adopté, une constante rehausse le droit à la liberté d’expression et à la liberté de conscience. Ce sont ces libertés qui permettent au peuple de débattre, de se faire entendre, et de participer aux décisions qui le concernent. Si ces libertés sont bafouées, le principe même de démocratie en est directement affecté.
La liberté d’expression : une valeur en jeu
L’un des éléments essentiels pour qu’un peuple puisse réellement exercer sa souveraineté est la liberté d’expression. Sans elle, il n’y a pas de débat, et sans débat, il n’y a pas de démocratie. La liberté d’expression permet aux citoyens de se confronter, de discuter, et de faire évoluer les idées. Mais il y a la liberté de conscience, garantie par l’article 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, et qui signifie que chacun est libre de penser, de croire, et d’exprimer ses convictions sans craindre la répression.
Pourtant, dans un nombre croissant de pays, ces libertés sont soit réduites, soit carrément supprimées. En Syrie, par exemple, le gouvernement a fait de la répression de toute forme de dissidence une règle. La presse libre, les manifestations, et la critique du pouvoir sont considérées comme des menaces à la stabilité du régime, et non comme des éléments essentiels d’une société démocratique. Cette politique de répression et de censure ne saurait être associée à la démocratie, quelle que soit l’étiquette qu’on y appose.
L’Europe : une démocratie en crise ?
Mais ce phénomène n’est pas l’apanage des régimes autoritaires. Au sein même de l’Union européenne, la démocratie semble connaître des dérives inquiétantes. Prenons l’exemple de la Roumanie, de la Géorgie ou de certains aspects de la politique britannique : des lois restrictives sur la presse, des attaques contre les ONG, des tentatives de réprimer l’opposition politique sont désormais monnaie courante. L’Union européenne, censée être le bastion des droits de l’homme et des libertés démocratiques, se fait parfois complice de ces dérives par son silence ou son soutien tacite à des gouvernements autoritaires, sous prétexte de stabilité ou de sécurité.
La question qui se pose aujourd’hui est la suivante. Qu’est-ce qui reste de la démocratie lorsque les libertés fondamentales sont entravées et que le débat démocratique est étouffé ? Si l’on ne permet pas aux citoyens d’exprimer leurs divergences, si l’on empêche les débats publics, si l’on ne garantit pas un espace de liberté pour toutes les idées, alors on ne peut plus parler de démocratie, mais bien de manipulation du pouvoir.
Quand la démocratie devient un outil de contrôle
Ce qui est frappant, c’est la manière dont certains dirigeants exploitent le mot « démocratie » pour justifier des politiques autoritaires. Le terme devient un outil de légitimation, une façade utilisée pour faire taire les critiques et masquer une réalité bien plus complexe. Dans certains pays, l’invocation de la démocratie est devenue une manière de justifier l’extension du pouvoir exécutif, d’imposer des restrictions aux libertés publiques et d’assujettir la société civile.
Cette inversion du discours est d’autant plus pernicieuse qu’elle brouille les frontières entre ce que l’on appelle « démocratie » et ce qui n’en est plus. Dès lors la démocratie ne se limite pas à des élections périodiques ou à un simple enregistrement de la volonté populaire. La démocratie se mesure à la capacité d’un peuple à s’exprimer librement, à débattre ouvertement et à voir ses droits fondamentaux respectés. Si ces conditions ne sont pas remplies, alors, peu importe l’étiquette, on se trouve face à un système autoritaire, et non démocratique.