Longtemps sujet de controverse enflammée, la 5G semble aujourd’hui avancer dans un relatif silence médiatique. Pourtant, son implantation se poursuit à un rythme soutenu, promettant des transformations majeures pour les villes et l’industrie, mais soulevant toujours des inquiétudes sur les plans sanitaire, environnemental et sécuritaire. Si les institutions et les industriels vantent ses mérites, le grand public, lui, reste méfiant.
La Commission européenne n’a jamais caché ses ambitions pour la 5G. Le Plan d’action 5G vise une couverture intégrale des zones peuplées d’ici 2030, avec l’objectif d’ériger l’Europe en leader technologique mondial. Cette connectivité est jugée essentielle pour la compétitivité industrielle et l’innovation, notamment dans des secteurs comme les transports, la logistique ou encore la santé.
Des villes comme Le Havre se posent en pionnières. Sous la houlette d’Édouard Philippe, la cité portuaire mise sur la 5G pour automatiser ses chaînes logistiques et renforcer sa sécurité portuaire. Une « révolution industrielle » que Philippe Herbert, président de la mission 5G industrielle, qualifie de « levier pour dynamiser toute une filière ».
Pourtant, le tableau n’est pas sans ombres. L’absence d’équipements adaptés, le manque de compétences techniques, et surtout, une faible acceptabilité sociale freinent ces ambitions. Car derrière les promesses économiques, de nombreuses interrogations subsistent sur les impacts réels de cette technologie.
Un débat scientifique toujours ouvert
Sur le front des risques sanitaires, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) joue la prudence. Les bandes actuellement utilisées (entre 2 et 3,5 GHz) ne présentent pas de risques avérés, mais les futures bandes à 26 GHz, indispensables pour exploiter tout le potentiel de la 5G, sont encore largement méconnues. L’ANSES admet elle-même que des études complémentaires sont nécessaires, notamment sur des effets potentiels tels que les cancers, les troubles cérébraux ou les impacts sur la fertilité.
Ces réserves nourrissent les critiques de figures comme le Pr Dominique Belpomme, qui alerte depuis des années sur les dangers des ondes électromagnétiques. Dans Le Livre noir des ondes, il évoque un possible « scandale sanitaire » à venir, un avertissement que les autorités semblent entendre sans réellement agir.
La fracture numérique, miroir de la fracture sociale
Au-delà des questions sanitaires, la 5G risque aussi d’aggraver les inégalités. Selon la Quadrature du Net, son déploiement met à mal la neutralité d’Internet, introduisant une segmentation des usages. Les entreprises et les industries bénéficieront des meilleurs débits, tandis que les citoyens devront se contenter d’un service de base, peut-être payant pour un usage optimal.
Cette inégalité d’accès menace d’accentuer la fracture numérique, déjà marquée entre zones rurales et urbaines. Les zones blanches, privées d’une connexion Internet stable, risquent de le rester, tandis que les grandes villes verront leur connectivité dopée.
La surveillance accrue : l’autre face du progrès
Enfin, la 5G soulève des questions sur la vie privée. En multipliant les objets connectés, cette technologie accroît les possibilités de collecte de données personnelles. Ce constat alarme sociologues et défenseurs des libertés individuelles. « La 5G pourrait transformer chaque citoyen en un capteur ambulant », met en garde Elodie Lemaire, sociologue.
Si la 5G incarne une avancée technologique indéniable, elle s’accompagne de nombreuses incertitudes. À ce jour, les promesses économiques et industrielles dominent les discours, reléguant les questions environnementales, sanitaires et sociales au second plan.