Lors des Rencontres de l’Avenir, début novembre, le Dr Laurent Alexandre n’a pas fait dans la dentelle. Habitué des sorties polémiques, il a une fois encore décliné son credo. La survie de l’humanité passe par un mariage serré entre biotechnologie, intelligence artificielle et… sélection embryonnaire. Au programme, rien de moins que l’immortalité, la lutte contre l’IA et, surtout, l’avènement d’une société où les parents pourraient « choisir » leurs enfants.
Laurent Alexandre martèle depuis des années une idée simple. Si nous ne nous réveillons pas, l’intelligence artificielle nous dépassera. Son livre La guerre des intelligences dépeint un futur où l’humain, trop lent et trop « biologique », serait balayé par des machines aux capacités exponentielles.
Sa solution ? Rendre l’humain aussi « compétitif » que possible. Pour ce faire, il défend des méthodes radicales. Améliorer nos cerveaux biologiques par la technologie et, au besoin, trier les embryons pour maximiser les chances d’avoir des enfants hyper intelligents.
« Peu de parents voudront fabriquer des bébés qui vont être au revenu universel ou au chômage à vie », a-t-il lâché au micro des Rencontres de l’Avenir, comme s’il énonçait une évidence. Faut-il y voir une lucidité froide sur l’évolution du monde, ou un effacement pur et simple des valeurs humanistes au profit d’une logique purement utilitariste ?
Un futur qui divise
Évidemment, la sélection génétique n’est pas une idée neuve. Mais là où d’autres en discutent avec précaution, Laurent Alexandre en fait un outil du quotidien pour « les bons parents ». Selon lui, cette technologie sera bientôt accessible et largement adoptée, car aucun parent ne voudra « handicaper » son enfant face à un monde dominé par des intelligences artificielles toujours plus performantes.
Certains applaudissent cette vision pragmatique, voyant dans ces pratiques un prolongement inévitable des avancées scientifiques. Pourquoi ne pas utiliser toutes les armes disponibles pour offrir à nos enfants un avenir meilleur ?
Mais pour beaucoup, le discours de Laurent Alexandre est profondément dérangeant. La sélection embryonnaire, même sous couvert de progrès, rappelle des heures sombres de l’histoire et pose des questions vertigineuses : Qu’en est-il des enfants qui naîtraient hors de ces « standards » ? Une société où l’intelligence est valorisée à ce point peut-elle être juste ? Une prophétie ou un miroir déformant ?
Au-delà de ses idées, Laurent Alexandre fascine autant qu’il exaspère par son style. Il se pose en prophète d’un monde qu’il décrit comme inéluctable, jouant souvent sur le sensationnalisme. Mais est-il vraiment en train de prédire l’avenir, ou simplement de projeter ses propres obsessions ?
Car à bien y regarder, ce futur dystopique où des parents transformés en stratèges génétiques choisiraient leurs enfants comme on configure un ordinateur n’est peut-être pas aussi certain qu’il le prétend. Si les avancées biotechnologiques ouvrent des possibilités vertigineuses, elles ne garantissent pas que l’humanité s’y précipitera aveuglément. Ce qui est sûr, c’est que Laurent Alexandre incarne un débat essentiel. Jusqu’où sommes-nous prêts à aller au nom du progrès ? En choisissant de mettre en lumière ces questions dérangeantes, il joue un rôle capital, qu’on adhère ou non à ses conclusions.