Une enquête approfondie du journal le Monde et de la cellule investigation de Radio France expose la tromperie de Nestlé et d’autres industriels sur la qualité de ses eaux embouteillées.
Dans une récente enquête du Monde et de la cellule investigation de Radio France, des allégations inquiétantes ont été mises en lumière concernant Nestlé et d’autres géants de l’industrie de l’eau embouteillée.
Selon les résultats de cette enquête, ces entreprises auraient délibérément dissimulé la contamination de l’eau qu’elles pompent et auraient utilisé des systèmes de purification interdits pour maintenir la production de leurs marques bien connues, dont Perrier, Vittel, et Contrex. Il est estimé que jusqu’à 30% des marques d’eau en bouteille seraient concernées par ces pratiques illégales.
Les enquêteurs ont découvert ces agissements lors d’une enquête qui a débuté après une réunion interministérielle en février 2023, supervisée par Matignon et les ministères de l’Économie et de la Santé. Le compte rendu de cette réunion indique des plans d’action pour les usines de conditionnement d’eau de Nestlé, ainsi que des autorisations spéciales accordées pour des traitements de purification interdits.
L’affaire a éclaté en décembre 2020 après un signalement de fraudes au sein du groupe Sources Alma, producteur de marques populaires telles que l’eau Cristaline. Suite à une enquête de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), il a été révélé que l’entreprise utilisait des traitements non conformes, dont l’injection de sulfate de fer et de CO2 industriels, une microfiltration en deçà des seuils autorisés, et même des mélanges avec de l’eau du robinet.
Le groupe Alma n’est cependant que le début de l’affaire. En exploitant les listings clients, les enquêteurs ont découvert que de nombreux industriels du secteur, dont Nestlé Waters, achetaient des filtres non autorisés. Nestlé a admis lors d’une réunion confidentielle avec le gouvernement en août 2021 qu’elle utilisait des traitements non conformes pour préserver la sécurité de ses usines d’eau minérale. La multinationale a même demandé une évolution de la réglementation en sa faveur.
Une enquête administrative a été ordonnée en octobre 2021, et les conclusions, consultées par Le Monde et la cellule investigation de Radio France, sont accablantes. Près de 30% des marques d’eaux en bouteille subissent des traitements non conformes, selon le rapport de l’inspection générale des affaires sociales (Igas). Pour Nestlé, toutes ses marques sont concernées par l’utilisation de traitements interdits, avec des pratiques délibérément dissimulées.
La contamination microbiologique régulière des sources d’eau exploitées par Nestlé a été révélée, notamment par des bactéries de type Escherichia coli. Malgré les assurances de Nestlé quant à la sécurité sanitaire de ses produits, les inspecteurs de l’Igas ont souligné que le retrait de ces traitements non conformes pourrait entraîner un risque sanitaire pour les consommateurs.
À ce jour, le gouvernement n’a pas informé la justice ni les autorités européennes, et Nestlé a admis avoir retiré certains traitements de ses usines tout en maintenant d’autres prétendument compatibles avec la réglementation. Les autorités sanitaires soulèvent des inquiétudes quant à la fausse sécurisation résultant du retrait de ces traitements et mettent en garde contre un possible risque sanitaire.
L’affaire a été portée devant la justice, avec une enquête préliminaire ouverte en novembre 2022 par le procureur de la République d’Epinal, Frédéric Nahon, pour « tromperie » au code de la santé publique. Cependant, des incohérences dans les actions des agences régionales de santé soulèvent des questions sur la manière dont ces affaires sont traitées. La bataille juridique qui s’annonce pourrait mettre en lumière des pratiques douteuses au sein de l’industrie de l’eau en bouteille et renforcer la nécessité d’une régulation plus stricte.