En 2022, plus de 43 000 disparitions d’enfants ont été signalées en France. Dans 95 % des cas, il s’agit de fugues. Les cas criminels sont heureusement rares.
Des enquêtes en « disparition inquiétante », qui, au terme de plusieurs jours, basculent dans une dimension criminelle avec un élargissement à des faits « d’enlèvement, arrestation, détention et séquestration arbitraires ».
Le 8 juillet, Émile, 2 ans et demi, disparaissait du hameau du Haut Vernet, dans les Alpes-de-Haute-Provence, alors qu’il était gardé par ses grands-parents. Le 23 septembre, Lina, 15 ans, se volatilise le long de la route départementale qui sépare son domicile de Plaine (Bas-Rhin) de la gare de Saint-Blaise-la-Roche, où la jeune fille se rendait à pied. Du massif des Trois Évêchés à la vallée de la Bruche, ces disparitions, aussi soudaines qu’inexpliquées, ont suscité un fort intérêt médiatique.
Brigades cynophiles, hélicoptères équipés de drones thermiques pour survoler les zones potentielles de disparition, ratissage minutieux… Dans les deux cas, d’importants moyens opérationnels ont été déployés par la gendarmerie, en parallèle de l’enquête judiciaire. « Quand un enfant disparaît, c’est tout de suite jugé « inquiétant » par les forces de l’ordre et les premières heures sont déterminantes, il y a donc des protocoles précis qui sont mis en place », rappelle Bernard Valezy, commissaire général honoraire et président de l’association Assistance et recherche de personnes disparues (ARPD).
En 2022, plus de 43 000 disparitions d’enfants ont ainsi été signalées en France, un chiffre stable depuis les années 2000. Parmi ces signalements, le président de l’ARPD indique qu’il faut compter environ 95 % de fugues chaque année. Sur les 43 202 signalements effectués en 2022 par exemple, on dénombre précisément 41 518 fugues. Un tiers d’entre elles sont des fugues de courte durée (un à trois jours), un tiers de moyenne durée (entre un et trois mois) et le reste des fugues de plus de trois mois. « Ce sont elles qui sont particulièrement dangereuses pour les mineurs, car pour trouver des moyens de subsistance ils s’adonnent généralement à de la délinquance sur la voie publique, des trafics de drogues ou à la prostitution », indique Bernard Valezy.
À noter qu’il s’agit bien de signalements donnant lieu à une inscription au Fichier des personnes recherchées (FPR), mais en aucun cas du nombre effectif de mineurs disparus : « Un mineur ayant fugué cinq fois au cours de l’année pourra donner lieu à cinq signalements », précise le site du 116 000, le numéro européen d’urgence en cas de disparition d’enfant. Le reste des signalements concerne les enlèvements parentaux, les disparitions suicidaires et enfin les disparitions dont la cause présumée est criminelle, comme dans les cas d’Émile et de Lina. « Les cas d’enlèvements ou de situations criminelles restent, fort heureusement, très exceptionnels », précise toutefois le 116 000.
Des enquêtes complexes
Dans ces cas précis, en zone gendarmerie, les sections de recherches sont engagées sur les investigations judiciaires menant des auditions, exploitant la vidéoprotection ou encore la téléphonie. En cas de disparition inquiétante ou d’enlèvement parental, les militaires peuvent faire appel à leurs experts en exploitation numérique ou à des portraitistes, voire aux scientifiques de l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN).
C’est ainsi qu’en avril 2023, vingt-quatre heures après sa disparition en Seine-et-Marne, la jeune Chloé avait été retrouvée saine et sauve dans le département voisin de la Marne, à 200 kilomètres de chez elle. Les enquêteurs avaient réussi à la localiser grâce à un téléphone. Fugueuse, elle avait expliqué qu’elle pensait que les recherches seraient rapidement suspendues.
Les choses sont autrement compliquées en ce qui concerne la disparition de Lina. Dès le lendemain de sa disparition, la procureure de la République de Saverne excluait qu’il puisse s’agir d’une fugue. Les conditions de sa disparition, le long d’une route départementale, en quelques minutes à peine, et la mise hors tension rapide de son téléphone sont autant d’éléments troublants qui ont poussé la procureure de Saverne à se dessaisir au profit du pôle criminel du tribunal judiciaire de Strasbourg.
Dimanche après-midi, plus de sept jours après sa disparition, le parquet annonçait en effet l’ouverture d’une information judiciaire des chefs « d’enlèvement ou séquestration de plus de sept jours » en raison de la complexité de l’affaire. Deux juges d’instruction ont d’ailleurs été cosaisis de la procédure. Fin juillet, le procureur de la République d’Aix ouvrait le même type d’information judiciaire dans le cadre de la disparition du petit Émile, désormais traitée comme une enquête criminelle. Dans les deux cas, cette décision permet plus de souplesse dans les investigations.
Selon les chiffres officiels transmis par le ministère de l’Intérieur en 2022, les disparitions inquiétantes (hors fugues et enlèvements parentaux) s’élevaient à 1 140, soit 2,8 % du total des signalements. On ne sait pas, en revanche, combien ont depuis été retrouvés.