Le président va accueillir le souverain pontife et assistera à la messe, samedi, à l’occasion d’une visite de François consacrée à la Méditerranée et au défi migratoire.
Il tutoie le pape et va se rendre à sa messe géante à Marseille. Pour autant, Emmanuel Macron a un rapport complexe, voire intellectuel, à la religion. Il se dit sensible à la « transcendance », sans s’afficher en catholique pratiquant.
« C’est ma place d’y aller ». Le chef de l’État a balayé la polémique, lorsque l’Élysée a annoncé qu’il assistera, samedi, à la messe célébrée par François au stade Vélodrome. « Je n’irai pas en tant que catholique, j’irai comme président de la République qui est en effet laïque ».
Une première depuis Giscard d’Estaing
C’est la première fois, depuis Valéry Giscard d’Estaing en 1980, qu’un président français assiste à une messe papale. Un précédent lointain, à tel point que l’entourage d’Emmanuel Macron en a invoqué un autre, plus récent mais aussi plus curieux, en rappelant qu’il était allé à la « messe d’obsèques » de Johnny Hallyday en 2017. La gauche s’est indignée d’une atteinte à la laïcité, voire d’une « manœuvre clientéliste » à destination de l’électorat catholique. Qui intervient alors que le chef de l’État venait d’endosser une interprétation intransigeante de ce principe très français, en promettant d’être « intraitable » pour interdire à l’école l’abaya, ce vêtement long porté par certaines musulmanes.
Il a déjà été accusé d’avoir une conception fluctuante et à géométrie variable de la laïcité. Son discours inédit devant la Conférence des évêques, en 2018 au collège des Bernardins à Paris, avait notamment suscité la controverse. Reconnaissant se faire une « haute idée des catholiques » pour des raisons « biographiques, personnelles et intellectuelles », il avait dit vouloir « réparer » le « lien entre l’Église et l’État », « abîmé » notamment par le bras de fer sur le mariage homosexuel. Et il avait plaidé pour que « la sève catholique » contribue « encore et toujours à faire vivre notre Nation ».
Dans la veine de François Mitterrand
Sous la Ve République, « il y a une tradition de présidents catholiques, croyants et même pratiquants », du général de Gaulle jusqu’à Nicolas Sarkozy, nuance l’historien Jean Garrigues, jugeant exagérés les soupçons d’atteinte à la laïcité. Pour lui, la filiation d’Emmanuel Macron à cet égard serait à chercher plutôt du côté de son prédécesseur socialiste François Mitterrand, qui disait croire « aux forces de l’esprit ».
Le chef de l’État, baptisé à sa demande à l’âge de 12 ans dans la foi catholique, a fréquenté La Providence, un établissement scolaire jésuite d’Amiens. Aujourd’hui, celui qui fut l’assistant du philosophe protestant Paul Ricoeur et qui invoque volontiers l’universalisme des Lumières, se définit comme agnostique, avec la part de questionnement que cela implique.
« Il est dans la situation de beaucoup de Français qui doutent »
« Au fond, il est dans la situation de beaucoup de Français qui doutent », relève Jean Garrigues. L’historien évoque un « rapport intellectuel à la religion, une vraie interrogation philosophique », qui diffère du registre « émotionnel d’un fidèle ». Macron et la religion ? « C’est complexe », confirme un conseiller. « Il a besoin de transcendance », « c’est ce qui le fascine dans la religion », ajoute un proche qui a appris à décrypter sa pensée.
Dans un texte publié en 2021 dans L’Express, le chef de l’État affirmait que « la science et Dieu, la raison et la religion » peuvent « vivre côte à côte, parfois même se nourrir ». « Cela est même souhaitable tant aspiration à la raison et besoin de transcendance cohabitent en chacun de nous ».
« Le pape sait que je ne ferai pas n’importe quoi »
Emmanuel Macron a ouvert la procréation médicalement assistée aux couples de femmes, mais il se veut très prudent sur les évolutions sociétales qui risquent de brusquer cette « part catholique de la France » dont il dit chérir l’apport. « Le pape sait que je ne ferai pas n’importe quoi », confie-t-il il y a un an, après avoir évoqué l’épineux sujet de la fin de vie avec François, profondément hostile à toute forme d’euthanasie. Les militants d’une « aide active à mourir » s’inquiètent dès lors d’une « ambiguïté » à l’égard de la religion, selon le terme de l’homme politique Jean-Luc Romero-Michel. Ils le soupçonnent d’avoir repoussé le projet de loi annoncé pour ne pas froisser le pape.
Un pape qu’il tutoie, et qu’il aura donc vu à quatre reprises en tête-à-tête depuis 2017, après leur entretien prévu samedi à Marseille. « Priez pour moi », avait demandé l’an dernier l’ecclésiastique argentin au couple présidentiel. « Je prie pour vous tous les jours », avait répondu Brigitte Macron.