Le festival du cinéma américain mise sur une sélection tiraillée entre thriller et grands sentiments. L’occasion début septembre de découvrir la pépite de Sundance Past Lives, nos vies d’avant.
Qui succédera à la nostalgie dévastatrice d’Aftersun ? Pour sa 49e édition, le festival du cinéma américain de Deauville ne manquera ni d’émotions, ni de stars sur les écrans (à défaut d’être sur le tapis rouge en raison de la grève qui paralyse Hollywood). Kit Harrington (le Jon Snow de Game Of Thrones), Jesse Eisenberg (Social Network), Eva Longoria (Desperate Housewives), Ariana DeBose (oscarisée pour West Side Story) sont quelques-uns des noms à l’affiche des films qui seront projetés dans la station balnéaire normande du 1er au 10 septembre prochain.
Les organisateurs ont révélé cette semaine les 14 longs-métrages de la compétition officielle que devront départager le jury présidé par Guillaume Canet et le jury de la révélation chapeauté par Mélanie Thierry. Les cinéphiles y trouveront comme à l’accoutumée des titres issus du cinéma indépendants, ayant fait des vagues aux festivals de Sundance, Tribeca ou encore la Quinzaine des Réalisateurs.
Ames sœurs coréennes
Les traditionnels polars et thrillers sont là, comme les grands sentiments, à commencer par la romance impossible qui a fait chavirer toute la critique américaine : Past Lives, nos vies d’avant de Celine Song. À 12 ans, Nora et Hae Sung sont amis d’enfance, amoureux platoniques. Les circonstances les séparent. Elle suit sa famille à Toronto. Il reste dans leur Corée du Sud natale. À 20 ans, le hasard les reconnecte, pour un temps. À 30 ans, ils se retrouvent, adultes mais Nora est mariée. Ils vont être confrontés à ce qu’ils auraient pu être, et à ce qu’ils pourraient devenir.
Aristote et Dante découvrent les secrets de l’univers d’Aitch Alberto remonte le temps en 1987, à El Paso. Ari et Dante, deux adolescents qui n’ont a priori rien en commun sauf leur prénom «littéraire», deviennent instantanément amis. Pourtant, ils vont nouer une profonde amitié qui va changer leurs vies à jamais. Eva Longoria campe la mère de Dante.
Dans Fremont de Babak Jalali , Donya, jeune réfugiée afghane de 20 ans, travaille pour une fabrique de fortune cookies à San Francisco. Ancienne traductrice pour l’armée américaine en Afghanistan, sa routine est bouleversée lorsque son patron lui confie la rédaction des messages et prédictions. Elle décide d’envoyer un message spécial dans un des biscuits en laissant le destin agir…
Road-trips en pagaille
Runner de Marian Mathias raconte la quête Haas. Lorsque ce dernier meurt accidentellement, elle tient à exaucer sa dernière volonté et part l’enterrer dans la ville où il est né, au bord du fleuve Mississippi. Dans cette communauté soumise aux vicissitudes du climat et de l’économie, elle rencontre Will, un jeune garçon solitaire qui travaille dur afin de subvenir aux besoins de sa famille. Leur amitié va remettre en cause leur conception de l’amour et du deuil. Il sera aussi question de la mort dans The Graduates de Hannah Peterson dans lequel un an après la mort de son petit ami lors d’une fusillade, une lycéenne termine son année de terminale au sein d’une communauté qui cherche à apaiser sa peine.
Dans Summer Solstice de Noah Schamus , Leo, un homme trans, et son amie Eleanor, cisgenre et hétéro, partent en week-end, au cours duquel de vieux secrets se dévoilent. La Vie selon Ann de Joanna Arnow dépeint une femme portée sur la soumission sexuelle.
Le road trip halluciné sera au menu de The Sweet East de Sean Price Williams où une adolescente fugue durant un voyage scolaire. Au fil de ses rencontres, telle Alice au Pays des merveilles, elle découvre les fractures mentales, sociales et politiques des États-Unis. Wayward de Jacquelyn Frohlich met en scène une gamine de onze ans, en conflit permanent avec sa mère sur la route de l’Idaho à Los Angeles. En chemin, elles prennent en stop une jeune femme charismatique. La jeune fille développe une relation particulière avec elle, brouillant les frontières entre fugue et enlèvement.
Panique dans l’espace
La tension sera à son comble avec Blood for Dust de Rod Blackhurst. Cliff, un vendeur qui parcourt les routes et croule sous les dettes, s’engage sur une voie dangereuse le jour où il renoue avec Ricky, une vieille connaissance aux méthodes douteuses campé par Kit Harrington très loin de Westeros. Dans Cold Copy de Roxine Helberg, une ambitieuse étudiante en journalisme tombe sous le joug d’une journaliste réputée mais sans pitié qu’elle s’efforce d’impressionner, même si cela signifie manipuler son dernier article – et l’idée même de vérité. · Manodrome de John Trengove conjuguera l’emprise au masculin lorsqu’un chauffeur Uber tirant le diable par la queue, et campé par Jesse Eisenberg, rencontre le leader charismatique d’un mystérieux groupe d’hommes. Enfin, LaRoy de Shane Atkinson voit un homme suicidaire être pris par erreur pour un tueur à gages. Décidant de jouer le jeu, il ne comprend pas l’engrenage dans lquel il met le doigt.
Les amateurs de dystopie et science-fiction ne sont pas oubliés et frissonneront devant I.S.S. de Gabriela Cowperthwaite où Ariana DeBose est coincée dans un huis clos en apesanteur. Alors qu’une Troisième guerre mondiale fait rage, les astronautes américains et russes de la station spatiale internationale reçoivent l’ordre de prendre le contrôle de la station par tous les moyens nécessaires.
Des dérogations pour les acteurs ?
En raison de la grève des acteurs et des scénaristes, il est impossible de savoir si quelques-uns des visages les plus connus de ces récits pourront arpenter les planches de Deauville. La manifestation normande mettant en valeur des films indépendants des studios peut-elle espérer une dérogation du puissant syndicat des acteurs (SAG) pour que les équipes puissent assurer un peu de promotion ? Une poignée de petits projets, dont deux issus du studio A24 qui a accepté toutes les demandes de la SAG, ont pu reprendre leur tournage.
Quid des talents que Deauville compte récompenser pour leur carrière : le cinéaste Jerry Schatzberg et les comédiens Natalie Portman et l’autre star de Game Of Thrones Peter Dinklage ? Le règlement du syndicat des acteurs le permet et autorise les récipiendaires d’un trophée honorifique à les accepter du moment que les discours de remerciement ne promeuvent pas un projet particulier. La question se pose davantage en termes d’image : accepteront-ils d’apparaître en festival si leurs confrères sont toujours mobilisés, au risque de passer pour des « briseurs de grève »?