Est-ce le signe d’un échec face à une organisation criminelle de plus en plus sophistiquée, ou simplement une question de patience ? Six mois après l’évasion de Mohamed Amra, qui a coûté la vie à deux agents pénitentiaires, les enquêteurs semblent toujours impuissants à localiser ce détenu multirécidiviste impliqué dans le trafic de stupéfiants.
Cette affaire fait écho à celle de Rédoine Faïd, qui avait échappé aux autorités pendant 94 jours après une spectaculaire évasion en 2018. Le cas de Mohamed Amra, en revanche, dure maintenant depuis plus de 180 jours, et chaque jour de cavale alourdit le bilan de ce qui commence à être perçu par certains comme un camouflet pour les forces de l’ordre.
Le jour de l’évasion de Mohamed Amra au péage d’Incarville, Emmanuel Macron avait assuré que les autorités seraient « intraitables ». Depuis, le Parquet de Paris et la Juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée (Junalco) affirment que l’enquête est activement poursuivie. Pourtant, l’absence de progrès visible et le mutisme des autorités génèrent frustrations et spéculations. « Les équipes sont pleinement mobilisées, mais toute divulgation d’information pourrait mettre en péril les investigations », a précisé le parquet.
Certains spécialistes voient dans cette traque interminable un signe inquiétant de l’échec des autorités, qui semblaient initialement optimistes quant à une capture rapide. Un magistrat spécialisé admet : « Même si on arrête Amra, ça restera un échec. On aurait dû l’avoir en un mois. J’espère qu’il est à l’étranger, sinon on est vraiment mauvais. »
Un adversaire aux ressources solides
Contrairement aux braqueurs classiques, Mohamed Amra bénéficie, selon les enquêteurs, du soutien d’un réseau bien structuré lié au narcotrafic. Une source policière, moins alarmiste, souligne que les cavales peuvent être longues et que « ce n’est pas parce que tu n’as pas serré un mec rapidement que c’est un échec ». Des dispositifs de surveillance, appelés « sonnettes », ont été placés à des endroits stratégiques pour guetter tout faux pas du fugitif. « Avec le temps et la routine, il commettra une erreur », avance cette même source.
Le soutien financier du réseau criminel auquel il appartient pourrait aussi expliquer la longueur de sa cavale. « Tout est peut-être une question de moyens », analyse une source policière. Les ressources importantes dont disposeraient Amra et ses complices pourraient prolonger sa fuite bien plus longtemps que celle de Faïd.
Comment Mohamed Amra, toujours en cavale, réussit-il encore à déjouer toutes les polices de France ? 🚨
— Le20h-France Télévisions (@le20hfrancetele) November 12, 2024
Les enquêteurs ont identifié l'arme et les munitions utilisées dans l'attaque de son fourgon cellulaire. Un AR-15, un fusil de guerre. #JT20h pic.twitter.com/z1LzWVkTFa
Entre moyens sophistiqués et hypothèses
Certains policiers considèrent que l’évasion de Mohamed Amra a été facilitée par la montée en puissance de la criminalité organisée dans le domaine de la fraude documentaire, offrant ainsi au fugitif des moyens d’échapper aux radars avec des faux papiers quasi indétectables. D’autres imaginent même que sa fuite pourrait être, en réalité, un enlèvement commandité par ses alliés du milieu du crime organisé.
Le manque de coordination entre les autorités, pointé par un rapport de l’Inspection générale de la justice en août dernier, pourrait avoir contribué aux difficultés de cette traque. La faible communication entre les différentes instances judiciaires, pénitentiaires et policières complique les échanges d’informations pourtant capitales dans une affaire aussi complexe.
Une veuve qui espère encore, malgré la douleur
Mary Garcia, veuve de l’un des deux agents tués lors de l’évasion, reste dans l’attente et l’angoisse. « Il lui arrive certains jours de perdre espoir », confie son avocate Pauline Ragot. Malgré le silence et le manque d’informations, elle garde « confiance » en la justice et espère des réponses. Pour les familles des victimes, cette attente et l’absence de certitude sont devenues aussi insoutenables que la tragédie elle-même.