Après une série de crises autour de l’immigration, la cheffe du gouvernement italien Giorgia Meloni et le président français Emmanuel Macron ont insisté mardi sur le nécessaire « dialogue » entre les deux pays. « Il est essentiel que Rome et Paris continuent à travailler aussi bien au niveau bilatéral que multilatéral », a insisté Giorgia Meloni.
Emmanuel Macron et Giorgia Meloni ont affiché mardi leur intention de « travailler ensemble » au-delà des « controverses », notamment sur l’épineux dossier de l’immigration qui a jusqu’ici envenimé leurs relations. Lors de cette première visite à Paris de la cheffe du gouvernement italien, le président français a invoqué « ce rapport si unique qui existe entre l’Italie et la France ».
« C’est cette amitié qui m’importe en premier lieu », « celle qui permet de faire vivre parfois les controverses, les désaccords mais dans un cadre toujours respectueux parce qu’il s’inscrit dans une histoire plus grande que nous, plus profonde, qui a nourri nos imaginaires, nos artistes, des aventures collectives », a-t-il ajouté face à la presse. Il a plaidé pour un « dialogue franc, ambitieux, exigeant » entre Paris et Rome.
« L’Italie et la France sont deux nations liées, deux nations importantes, centrales, protagonistes en Europe qui ont besoin de dialogue dans un moment comme celui-ci car nos intérêts communs sont très convergents », lui a répondu Giorgia Meloni. « J’ai bon espoir qu’à partir du dialogue d’aujourd’hui, nous allons pouvoir travailler encore mieux et encore plus ensemble ».
Le dossier migratoire alimente les tensions
Tout est censé opposer Emmanuel Macron, qui se revendique d’un progressisme franchement pro-européen, et Giorgia Meloni, à la tête d’une coalition ultraconservatrice, elle-même issue d’un parti post-fasciste et qui a épousé par le passé des positions nettement eurosceptiques. Et de fait, les étincelles n’ont pas tardé. Après une brève rencontre informelle à Rome en octobre dans la foulée de la nomination de Giorgia Meloni, victorieuse aux législatives, le dossier migratoire est venu alimenter les tensions.
Notamment lorsque l’Italie a refusé en novembre d’accueillir le navire humanitaire Ocean Viking et les 230 migrants à son bord, poussant la France à le laisser accoster tout en dénonçant le comportement « inacceptable » de Rome. Ou quand le ministre français de l’Intérieur Gérald Darmanin a suscité ce printemps l’ire transalpine en jugeant Giorgia Meloni « incapable de régler les problèmes migratoires sur lesquels elle a été élue ».
« La coordination entre nos deux pays doit se poursuivre », dit Macron
Mais en parallèle, les milieux diplomatiques ont œuvré pour retisser les liens. Et après plusieurs rencontres en marge de rendez-vous internationaux, la Première ministre italienne a fini par se rendre à Paris où elle était invitée depuis de longs mois – même si sa venue vise officiellement à défendre la candidature de Rome pour l’Expo 2030. Les deux dirigeants ont évoqué le dossier migratoire pour montrer qu’une coopération était possible.
« Nous continuons de connaître des drames en Méditerranée », a relevé le chef de l’État français. « La coordination et le bon travail entre nos deux pays doit se poursuivre », « il nous faut être en mesure d’organiser plus efficacement l’asile et les migrations en Europe en étant fidèles à nos valeurs », a-t-il ajouté en s’adressant à sa « chère Giorgia ».
A ses côtés, Giorgia Meloni a défendu ses positions très dures en la matière, tout en insistant elle aussi sur la nécessité de continuer « à travailler ensemble aussi bien au niveau bilatéral que multilatéral ». « Malgré les différences politiques et idéologiques entre les deux gouvernements, il y a la conscience chez Meloni et chez Macron que la France et l’Italie doivent agir ensemble. Cela correspond aux intérêts des deux pays », relève à l’AFP l’historien Marc Lazar, professeur à Sciences-Po.
Des « divergences » sur l’Europe
Selon lui, des « convergences réelles » existent face à la guerre en Ukraine et sur la renégociation du pacte de stabilité budgétaire européen, à l’approche du Conseil européen de fin juin et du sommet de l’Otan prévu les 11 et 12 juillet à Vilnius. Depuis qu’elle est au pouvoir, Giorgia Meloni s’est de fait montrée très attachée au soutien à Kiev et très mesurée face à Bruxelles. Le soutien commun à l’Ukraine a d’ailleurs été réaffirmé mardi, au lendemain de l’annonce par Emmanuel Macron du déploiement désormais opérationnel sur le terrain d’un système de missiles sol-air franco-italien SAMP/T.
« On voit bien qu’entre la France et l’Allemagne en ce moment c’est pas folichon », commente pour sa part Jean-Pierre Darnis, professeur à l’université Luiss de Rome. Le duo Meloni-Macron a donc « tout intérêt » à consolider la « convergence » sur le volet économique européen. D’ici aux élections européennes de juin 2024, « les polémiques ne manqueront pas entre la droite italienne et le parti de Macron », qui ont « de profondes divergences sur l’avenir de l’Europe », ce qui « risque de rejaillir sur la normalisation des relations », prévient toutefois Marc Lazar.