Jeudi soir, François Bayrou, fraîchement nommé Premier ministre par Emmanuel Macron, a fait son grand oral sur France 2 dans l’émission « L’Événement ». Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il manie l’ambiguïté avec une virtuosité digne des plus grands équilibristes. Entre promesses ambitieuses, circonvolutions rassurantes et pincées d’optimisme forcé, sa prestation a tout d’une leçon de politique moderne : parler beaucoup pour dire le moins possible.
Premier sujet chaud, la reconstruction de Mayotte après le passage dévastateur du cyclone Chido. « Deux ans », annonce François Bayrou, comme on promet une livraison express d’Amazon. Comparant la reconstruction de l’archipel à celle de Notre-Dame de Paris – qui, rappelons-le, est un chantier loin d’être terminé – le Premier ministre semble oublier un léger détail. Reconstruire des vies, des infrastructures et des repères culturels demande plus qu’un délai marketing. Mais qu’importe, le mot est lâché : « loi spéciale ». Ça sonne sérieux, non ?
À la question « Quand aurons-nous un gouvernement ? », François Bayrou répond : « Peut-être ce week-end. Peut-être avant Noël. » Une réponse aussi précise qu’une météo bretonne. Entre consultations et jeux d’équilibres politiques, le locataire de Matignon se rêve en chef d’orchestre, mais il semble encore chercher ses musiciens. Évidemment, certains partis comme La France insoumise et le Rassemblement national ont été exclus du concert, histoire de ne pas compliquer davantage une partition déjà cacophonique.
Sur la réforme des retraites, François Bayrou joue la carte de l’ouverture… en laissant tout de même la porte entrebâillée. « Y a-t-il une alternative au report à 64 ans ? » « Oui, je crois », répond-il, comme un élève qui espère avoir compris la question sans vraiment en être sûr. Il propose un « débat de neuf mois » pour trouver des solutions. Oui… Neuf mois ! Une gestation qui, si elle se termine comme souvent en politique, accouchera d’une souris, probablement déjà contestée avant même d’avoir vu le jour.
Pas de 49.3, promis… Enfin, juste un petit peu
François Bayrou a aussi assuré vouloir éviter le fameux 49.3, sauf « en cas de blocage absolu ». On aurait presque envie de lui croire, si ce n’est que « blocage absolu » semble être devenu l’état naturel de l’Assemblée nationale. Mais pas de panique, on nous promet du dialogue. Évidemment, ce dialogue s’adresse à ceux qui acceptent de discuter sans renverser le gouvernement. Autrement dit, un dialogue… avec lui-même ?
📊 Budget 2025
— L'Événement (@LevenementFTV) December 19, 2024
🗣️ « J’espère qu’on pourra l’avoir à la mi-février, il faudra bien que ce soit totalement bouclé »
👤 @bayrou, Premier ministre, en direct dans #Levenement, présenté par @Caroline_Roux pic.twitter.com/xMFnXMCxgb
Un budget en apnée
Enfin, le budget 2025. Là encore, François Bayrou a tenté un exercice de prestidigitation rhétorique : « J’espère qu’on peut l’avoir à la mi-février. Je ne suis pas sûr d’y arriver. » C’est clair, limpide, net. Le plan ? Repartir de la « copie votée » avant que le précédent gouvernement ne soit renversé. Traduction : on reprend les morceaux du puzzle et on espère que personne ne secoue la table.
En résumé, François Bayrou s’installe à Matignon en se posant en rassembleur, mais avec des gestes qui divisent déjà. Il promet l’action, mais conditionne tout au dialogue, à la concertation, au consensus… autant d’ingrédients souvent introuvables dans le placard de la politique française. Une belle promesse, donc, mais pour l’instant, c’est surtout de la poudre aux yeux.