Plus de trente ans après la disparition de Serge Gainsbourg, sa mythique maison rue de Verneuil, à Paris, va enfin ouvrir ses portes le 20 septembre prochain. Voici une visite immersive en avant-première.
5 bis, rue de Verneuil, 7e arrondissement, Paris. C’est une adresse mythique, oui. Un lieu de recueillement. L’antre d’un monstre sacré de la musique aussi mystérieux que intriguant, qui ouvre enfin ses portes au public le 20 septembre. Après un long parcours du combattant fait de doute et d’angoisse, Charlotte Gainsbourg dévoile enfin la maison de son père, Serge, qui était restée fermée depuis le décès de ce dernier en 1991. Trente-deux ans plus tard, nous voilà donc prêts à pénétrer en avant-première dans cette maison de poupée de 130 m2, casque sur les oreilles et audioguide autour du cou. L’immersion va être totale.
C’est seulement à deux que nous entrons dans le salon et salle de musique au rez-de-chaussée, guidés par la voix de Charlotte Gainsbourg qui nous livre ses souvenirs de petite fille. «Laissez-moi vous ouvrir la porte», nous susurre la chanteuse et actrice, orpheline depuis le décès de sa mère Jane Birkin en juillet dernier. Derrière des panneaux de verre se dévoile une pièce où rien ne semble avoir bougé depuis des décennies. Les murs et les plafonds bas sont tendus de feutre noir, lesquels dénotent avec les encadrements blancs des fenêtres et des portes.
Non loin de la banquette vénitienne où Serge Gainsbourg avait l’habitude de s’asseoir pour donner des interviews, trônent les pianos droit et à queue, les disques d’or, le téléphone – moderne pour l’époque -, les paquets de Gitane, les mégots dans le cendrier, et la fameuse malle dans laquelle l’artiste conservait des billets de 500 francs. Fétichiste, l’homme aimait collectionner, mais pouvait entrer dans une colère noire si l’on s’aventurait à déplacer les objets d’un millimètre. Un capharnaüm parfaitement étudié qui fait la singularité de ce décor hors du temps.
Des dizaines d’insignes offertes par les policiers
Nous sommes ensuite invités à rejoindre la cuisine où tout est resté intact, y compris le frigo à la vitre transparente dans lequel sommeillent encore des canettes laissées par l’ancien propriétaire des lieux. Au-dessus de la gazinière et face à la télévision que regardaient Charlotte Gainsbourg et sa demi-sœur Kate Barry (fille de Jane Birkin et du compositeur John Barry), des dizaines de bouteilles de vin, dont un Haut Brion, datant de 1928, année de naissance de Serge Gainsbourg. La visite d’une trentaine de minutes se poursuit par une autre vue du salon, celle perçue par les proches, les intimes. C’est là que sont notamment disposées les insignes que les policiers offraient à l’artiste après de longues conversations nocturnes. «Tout ce qu’il pouvait prendre aux policiers le rendait heureux», confie sa fille, avec tendresse.
Au 1er étage de cette demeure achetée à l’origine pour Brigitte Bardot et dans laquelle l’artiste a résidé pendant vingt-deux ans, on déambule entre le bureau et la chambre des poupées, après un coup d’œil au dressing qui se compose uniquement de quelques tee-shirts, jeans et chemises, ainsi que des célèbres Repetto blanches que le chanteur portait sans chaussettes, même en hiver.
Son dernier souffle dans la chambre à coucher
Toujours fébrile, la voix de Charlotte Gainsbourg nous entraîne vers la salle de bain décorée d’un immense lustre qui lui servait de toise. La compagne d’Yvan Attal se souvient de son père qui aimait se laver dans le bidet, quand elle, Kate et sa mère prenaient des bains, entourées d’une multitude de flacons de parfums. Ces mêmes flacons qui sont restés là, près de la baignoire, comme des reliques après le départ de Jane Birkin de la maison. Et qui n’ont pas bougé même quand Bambou, nouvelle muse de Serge Gainsbourg, posa ses valises.
Vient enfin l’heure de découvrir la chambre à coucher, pièce maîtresse où père et fille visionnaient des films le week-end. C’est aussi là que le corps sans vie de Serge Gainsbourg, 62 ans, a été retrouvé sur le côté gauche du lit, le 2 mars 1991. Entre ses quatre murs, le silence était roi, alors qu’on entendait dans la rue les fans reprendre «Je suis venu te dire que je m’en vais».
Près de 450 objets personnels exposés au musée
Après avoir jeté un dernier regard à la célèbre façade recouverte de tags et de graffitis que Serge Gainsbourg présentait comme «son livre d’or», direction le n°14 de cette même rue de Verneuil. Ici, un musée dédié à l’homme à la tête de chou sera inauguré dans quelques jours. On y découvre l’acte de naissance de Lucien Ginsburg, présenté à côté d’autres documents précieux en lien avec son enfance. Garçon «vivant, très docile, timide, attentif», peut-on lire sur son relevé de notes de primaire.
Porte-cigarettes, pipe à opium, télégrammes d’encouragements avant une première au Palace, eau de toilette Van Cleef & Arpels, lunettes de soleil Marly Sport, autographe de Francis Bacon sur un billet de 100 francs, canne à décor de serpent, carte du New Jimmy’s, la boîte de nuit de Régine, ou encore petit agenda où est annotée, sur la page du 9 janvier 1965, une séance d’enregistrement avec France Gall pour «Poupée de cire, poupée de son». Au total, ce sont près de 450 objets qui se trouvaient pour la plupart dans la maison et sont aujourd’hui répartis en huit chapitres chronologiques, qui sont exposés derrière des vitrines face à des écrans qui diffusent des extraits vidéos.
Au sol-sol, la marionnette offerte par un fan à l’artiste vers 1984 semble contempler l’ensemble de 83 pressages de 45 tours. Une boutique-librairie et le Gainsbarre, café en journée et piano-bar en soirée, viennent parfaire ce lieu atypique qui mérite amplement le détour.
Gardienne du temple, Charlotte Gainsbourg espère «proposer au public (…) une expérience si possible à la hauteur de ce que (son père) nous a laissé». Qu’elle se rassure, on ressort bouleversés de cette plongée dans l’intimité d’un homme singulier, d’un couple, d’une famille qui ne ressemble à aucune autre.
Si les réservations sont complètes jusqu’au mois de décembre prochain, d’autres créneaux seront proposés prochainement. À suivre…
Maison Gainsbourg, 5 bis et 14, rue de Verneuil, Paris (7e). 12 € pour le parcours « Musée seul », 25 € pour le parcours couplé « Maison & musée ». Plus de renseignements ici