Longtemps cantonnée aux blocs opératoires et aux cabinets vétérinaires, la kétamine s’impose aujourd’hui comme une drogue prisée des milieux festifs, des soirées chemsex, et plus alarmant encore, du quotidien de nombreux jeunes. En France, la consommation de cette substance psychoactive connaît une ascension fulgurante, révélant des enjeux sanitaires préoccupants.
Selon l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT), 3,3 % des 18-24 ans en France ont expérimenté la kétamine en 2023. Si ce chiffre peut sembler modeste, il dissimule une réalité plus inquiétante. Une fréquence d’usage croissante et des doses toujours plus élevées. De nombreux jeunes dépassent le cadre festif, utilisant la « K » pour des raisons diverses, allant de la recherche d’un apaisement psychique à une forme d’auto-médication contre l’anxiété.
« Cette banalisation s’accompagne de graves conséquences sanitaires, dont l’addiction et des troubles psychiatriques tels que des épisodes psychotiques », souligne un rapport du Réseau français d’addictovigilance. Mais l’un des effets secondaires les plus alarmants reste l’apparition de cystites toxiques, des inflammations urinaires souvent sévères, pouvant nécessiter des interventions chirurgicales.
Apparue dans les milieux techno dès les années 1990, la kétamine séduit par ses effets hallucinogènes rapides et puissants, qualifiés de « dissociatifs ». Pourtant, la démocratisation de son usage pose question. En 2022, les autorités européennes ont saisi près de 2,79 tonnes de kétamine, un record qui illustre l’ampleur de sa circulation.
La prolifération des circuits de vente numériques, en particulier sur le dark web, facilite l’accès à cette drogue. Selon une enquête publiée par The Conversation, cette accessibilité accrue favorise des usages auto-thérapeutiques. Certains consommateurs cherchent à atténuer leur stress ou leur dépression, sans encadrement médical. Un phénomène qui amplifie les risques de dérives et d’effets secondaires graves.
Un phénomène sociétal global
Si la France est concernée, le problème est loin de s’arrêter à ses frontières. La consommation de kétamine reflète une crise sociétale mondiale, marquée par une quête d’évasion face aux incertitudes contemporaines : crise climatique, instabilité économique, pression sociale. Ces facteurs alimentent le recours aux drogues, à l’instar d’autres addictions.
Face à cette évolution, les professionnels de santé alertent sur l’importance de la prévention et de l’information. « Il est capital de sensibiliser les jeunes aux dangers réels de la kétamine, au-delà de son image de drogue récréative », insiste un spécialiste en addictologie.
La réponse passe aussi par un renforcement des politiques publiques. Lutte contre les trafics, accompagnement des consommateurs en difficulté, et développement de solutions thérapeutiques pour pallier cette dépendance grandissante.