Z comme… zéro. C’est l’étiquette, brutale et cinglante, que certains placardent sur la génération Z à leur arrivée dans le monde du travail. À peine diplômés, souvent bardés de compétences techniques, ces jeunes se retrouvent pourtant en décalage avec les attentes des entreprises. Un récent rapport de la plateforme Intelligent met en lumière un phénomène troublant : nombre d’employeurs n’hésitent pas à licencier ces jeunes recrues quelques mois seulement après leur embauche. Pourquoi ? Un manque de professionnalisme, d’éthique de travail, des attentes jugées irréalistes. Mais est-ce vraiment si simple ?
Cette situation serait presque comique si elle n’était pas révélatrice d’un malaise bien plus profond. Car enfin, comment se fait-il que cette génération, hyper connectée et formée à une époque de changements numériques massifs, peine autant à trouver sa place ? Selon Holly Schroth, maître de conférences à Berkeley, « ils ne connaissent pas les compétences de base pour l’interaction sociale avec les clients et les collègues. » On imagine déjà ces jeunes les yeux rivés sur leurs écrans, évitant tout contact humain dans un monde qui exige encore – parfois à contrecœur – une dose d’interactions authentiques.
L’illusion des diplômes
Faut-il voir ici un échec de l’éducation ? Peut-être. Les diplômés de la génération Z sont plus qualifiés que jamais, mais on peut se demander si la course aux diplômes n’a pas laissé de côté des compétences essentielles : la gestion des émotions, le travail d’équipe, la capacité à accepter les critiques. Dans un univers universitaire souvent déconnecté de la réalité, les jeunes ont été poussés à s’illustrer dans les activités extrascolaires, à briller sur leur CV, mais rarement à mettre les pieds dans le monde du travail réel avant la fin de leurs études.
Le résultat ? Un choc frontal avec un environnement professionnel qui ne pardonne pas les approximations. Huy Nguyen, conseiller chez Intelligent, résume bien la situation :
Il leur manque souvent l’expérience pratique du monde réel et les compétences non techniques nécessaires pour réussir.
Comment s’étonner, dès lors, que les entreprises hésitent à leur faire confiance ?
Et si le problème venait aussi des employeurs ?
Pourtant, un examen plus attentif de la situation montre que les entreprises elles-mêmes ne sont pas exemptes de reproches. Le monde du travail a profondément changé : télétravail, hybridation des métiers, automatisation, montée en puissance des soft skills… Les attentes envers les employés évoluent, mais les structures, elles, peinent à suivre le rythme. Nombre d’entreprises continuent de fonctionner avec des modèles rigides, parfois obsolètes, incapables d’intégrer cette nouvelle génération autrement qu’en la forçant à se plier aux anciennes règles.
La génération Z a grandi dans un monde où les frontières entre vie professionnelle et personnelle se sont estompées. Le discours ambiant parle de bien-être au travail, de flexibilité, d’autonomie. Alors, qui pourrait vraiment leur reprocher d’arriver dans l’entreprise avec des attentes en décalage avec les standards d’autrefois ?
L’heure de la remise en question
Il est temps de poser la vraie question. Qui doit vraiment s’adapter ? La génération Z, certes, doit ajuster certaines de ses attentes. Le travail n’est pas toujours une partie de plaisir, et l’apprentissage passe par des moments de frustration. Mais les entreprises doivent aussi accepter de remettre en question leurs méthodes. La génération Z ne disparaîtra pas comme un caprice passager. Elle représente déjà un quart de la main-d’œuvre. Il serait temps de trouver des solutions durables pour que ces jeunes diplômés ne voient plus le monde professionnel comme une plaie, mais comme un espace d’accomplissement.
Peut-être le vrai défi pour les entreprises est-il de donner du sens au travail. Car ce que cette génération semble chercher, ce n’est pas un simple salaire ou une carrière bien tracée. Elle veut plus : un impact, un rôle à jouer dans la société, un équilibre entre travail et vie personnelle. Il est temps d’aligner ces valeurs avec les besoins de l’entreprise. Faute de quoi, la génération Z continuera d’être perçue comme une énigme, un groupe de rêveurs idéalistes incapables de s’adapter à la réalité. Et cela, à terme, serait une véritable perte – non seulement pour eux, mais pour nous tous.