La gestation pour autrui (GPA) est l’un des sujets les plus polarisants de notre époque, divisant les opinions et les nations. Certains y voient une forme d’émancipation, permettant à des couples infertiles ou homosexuels de réaliser leur rêve de parentalité. D’autres, en revanche, la considèrent comme une pratique dangereuse qui menace les fondements mêmes de nos sociétés. En Italie, la récente criminalisation de la GPA, y compris lorsqu’elle est réalisée à l’étranger, ravive ce débat avec force. Et si cette décision soulignait en réalité une vérité plus profonde ? La GPA est une menace, non seulement pour les femmes, mais aussi pour l’idée même de la société humaine.
Le premier danger, et sans doute le plus évident, est celui de la marchandisation du corps des femmes. Dans une société déjà marquée par des inégalités criantes entre les sexes, la GPA renforce un modèle où le corps féminin est traité comme un morceau de viande. Les femmes, et plus particulièrement celles issues de milieux économiquement précaires, deviennent des fournisseurs de services biologiques, payées pour porter un enfant qu’elles ne garderont pas.
Le processus est souvent décrit en termes contractuels, réduisant la grossesse à une transaction économique. Une somme d’argent contre l’usage temporaire d’un utérus. Comment une société peut-elle préserver la dignité humaine si elle accepte que la maternité soit négociée sur le marché, comme n’importe quel autre service ? La GPA institutionnalise cette marchandisation, minant les efforts en faveur de l’égalité des sexes et exposant les femmes à des risques physiques, psychologiques et économiques.
L’un des arguments les plus troublants contre la GPA est l’exploitation des femmes les plus vulnérables. Dans la plupart des cas, les femmes qui acceptent de devenir mères porteuses proviennent de milieux modestes. Elles voient dans la GPA une opportunité de gagner de l’argent, souvent pour subvenir aux besoins de leur propre famille. Ce n’est pas un choix libre et éclairé, mais une réponse désespérée à une situation économique difficile.
Cette exploitation revêt des allures coloniales. Les couples riches des pays développés se tournent vers les femmes plus pauvres des pays émergents pour réaliser leur rêve de parentalité. Les femmes deviennent des moyens au service des désirs des autres. En tolérant cette pratique, nos sociétés encouragent la création d’un nouveau marché transnational où l’exploitation des corps féminins devient légitime.
L’enfant : un produit du marché procréatif ?
L’un des aspects les plus inquiétants de la GPA réside dans la conception de l’enfant qui en découle. Dans ce cadre, l’enfant n’est plus uniquement le fruit d’un amour ou d’un projet parental, mais devient un produit façonné par un contrat. Le danger est qu’une fois ce processus normalisé, les enfants risquent d’être vus non plus comme des êtres dotés de droits et de dignité, mais comme des objets de consommation, créés selon les spécifications des parents d’intention.
Cette marchandisation de l’enfant, réduisant sa venue au monde à un acte économique, risque de rompre avec l’éthique fondamentale qui sous-tend les sociétés humaines. Que devient la place de l’enfant dans une société où sa naissance peut être programmée, achetée et parfois même annulée si les termes du contrat ne sont pas respectés ? Un enfant ne devrait jamais être considéré comme un produit. Il s’agit d’un être humain, doté de sa propre identité et de ses propres droits, que même ses parents n’ont pas le droit d’aliéner.
Un bouleversement des liens familiaux
La GPA bouleverse également les liens familiaux classiques. Dans cette pratique, la mère biologique est distincte de la mère porteuse, et parfois même de la mère légale, créant une complexité inédite autour de la maternité. Qui est la “vraie” mère ? Celle qui porte l’enfant ? Celle qui fournit le matériel génétique ? Ou celle qui élève l’enfant ? Cette dissociation, que la GPA instaure de manière systématique, met à mal les repères familiaux qui structurent nos sociétés depuis des siècles.
De plus, cette fragmentation des rôles parentaux affecte non seulement la mère, mais aussi l’enfant, qui peut se retrouver dans une situation où ses origines deviennent floues et où le lien avec celle qui l’a porté se rompt immédiatement après la naissance. En brouillant ainsi les frontières, la GPA met en péril la stabilité psychologique des enfants et soulève des questions sur les répercussions à long terme sur leur bien-être.
La GPA, un symptôme de la société néolibérale
Enfin, la GPA est révélatrice d’un glissement plus large dans nos sociétés vers une vision néolibérale de la vie humaine. Tout devient une transaction : le travail, la santé, et maintenant la procréation. Dans ce modèle, tout ce qui a un prix peut être acheté et vendu, et les limites morales ou éthiques qui régissaient autrefois certaines sphères de la vie humaine sont en train de s’éroder.
La gestation pour autrui n’est pas seulement un danger pour les femmes ou pour les enfants ; elle est le symptôme d’une société qui a perdu de vue l’importance des relations humaines et des limites qu’il convient d’imposer au marché. Elle transforme la vie elle-même en une marchandise et mine les principes fondamentaux de solidarité et de dignité humaine.