Le Congrès national africain (ANC), au pouvoir depuis trente ans, tente de déjouer les pronostics et de conserver sa majorité lors des élections législatives en Afrique du Sud. Ces élections, parmi les plus disputées depuis l’avènement de la démocratie dans le pays, mettent à l’épreuve la patience des quelque 27,6 millions d’électeurs inscrits.
Alors que certains Sud-Africains gardent espoir que l’ANC, libérateur du pays du régime de ségrégation raciale, pourra remédier aux défis économiques et sociaux tels que le chômage endémique (33%), les inégalités records et les pénuries d’eau et d’électricité, d’autres manifestent leur ras-le-bol et se tournent vers l’opposition. Cette division pourrait menacer la majorité historique de l’ANC au Parlement.
À Soweto, le président Cyril Ramaphosa, 71 ans, s’est montré confiant, déclarant que la victoire de l’ANC ne fait « aucun doute ». De son côté, John Steenhuisen, chef de la principale formation d’opposition, l’Alliance démocratique (DA), évoque le début d’une nouvelle ère où « il allait de soi que l’ANC allait gagner, on se demandait seulement avec quel score ».
Les Sud-Africains sont appelés à choisir parmi une cinquantaine de listes pour élire 400 députés à la proportionnelle et les assemblées des neuf provinces du pays. La nouvelle Assemblée nationale désignera ensuite le prochain président courant juin. Les résultats définitifs sont attendus pour le week-end.
En pays zoulou, Nokuthobeka Ngcobo, 26 ans, a voté pour le petit parti d’opposition MK mené par l’ex-président Jacob Zuma, malgré sa récente inéligibilité. L’ancien chef d’État, qui a voté dans son fief, ne s’est pas exprimé devant la presse.
Selon l’analyste politique Daniel Silke, ce scrutin est « sans aucun doute le plus imprévisible depuis 1994 ». La désillusion croissante envers l’ANC, accentuée par une économie morose et des scandales de corruption, pourrait faire chuter le parti historique sous la barre des 50%, le contraignant à former un gouvernement de coalition.
La DA, promettant de « sauver l’Afrique du Sud » et son économie, pourrait obtenir environ 25% des voix, selon les sondages. Le parti MK de Jacob Zuma, visant les électeurs déçus de l’ANC, pourrait en séduire jusqu’à 14%.
Malgré tout, l’ANC devrait rester le premier parti à l’Assemblée, où il détient actuellement 230 sièges sur 400. Cependant, son affaiblissement pourrait plonger le pays dans « un avenir immédiat instable et imprévisible », selon Silke. La participation aux élections a chuté de 89% en 1999 à 66% en 2019, un indicateur de l’augmentation de l’apathie électorale.
Alors que les résultats définitifs sont attendus ce week-end, l’Afrique du Sud se prépare peut-être à tourner une nouvelle page de son histoire politique. Le scrutin pourrait bien marquer la fin de la domination incontestée de l’ANC et le début d’une ère politique incertaine mais potentiellement transformative.